KRN, la tête dans les étoiles

A l’heure où cet article est finalisé, KRN vient de dévoiler le superbe single “Ma ville”. Il fait suite à l’EP “Equinoxe”, sorti en mars dernier et dont nous avons grandement apprécié la qualité. L’artiste, découverte puis signée par Booba, pose avec ce projet le premier jalon de sa carrière. Entourée de Bilton [sur “Alliés”] et de prestigieux artistes à l’écriture et aux compos, KRN se livre à nous sur ses émotions, ses craintes, ses relations amoureuses, sa famille, etc. 

Nous l’avons rencontré pour la questionner au sujet de sa musique, mais pas seulement. Un beau moment d’échange, qu’elle conclut ainsi en off : “Je n’aime pas trop parler, c’est pour ça que je chante”.

Alors, cher·e lecteur·ice, dès que ces lignes toucheront à leur fin, n’hésite pas à écouter la musique de KRN ! Tu en découvriras davantage sur cette jeune artiste, qui risque bien de faire parler d’elle. 

Tu es née à Dakar, et a ensuite grandi en Côte d’Ivoire. Comment as-tu découvert la musique ?

Je suis restée en Côte d’Ivoire jusqu’à mes dix-sept ans, mais j’ai surtout grandi avec de la musique américaine, européenne et commerciale. Quand j’étais au collège, j’étais attirée par les artistes comme Selena Gomez, Miley Cyrus et tout l’univers Disney Channel. Ensuite, je me suis tournée vers Adèle, Ed Sheeran et Jorja Smith, plus récemment. 

A quel moment décides-tu de te lancer dans la musique ?

De base, je ne voulais pas spécialement faire de la musique mon métier. Je faisais juste de la musique comme ça, par passion. Justement, je m’orientais vers le marketing et la communication et j’aimais ça. Au moment où je suis repérée sur Instagram, j’ai commencé à penser à la musique comme un métier. Mais jamais avant ce moment. 

Comment est venue l’idée de poster tes reprises sur les réseaux sociaux ?

Au départ, les reprises étaient simplement pour moi. Un jour, la femme de mon cousin m’a lancé l’idée de créer un compte Instagram pour les poster. Elle a finalement eu raison, car c’est un réseau social simple et efficace : tout ce que les gens aiment. 

Tout bascule au moment où tu postes une reprise de “BB” de Booba sur les réseaux sociaux. Quel lien avais-tu avec sa musique lorsque tu as décidé d’interpréter ce titre ?

C’est un artiste que j’admire, pour sa carrière et pour tous les morceaux que j’ai kiffé. J’ai repris “BB” car c’était un son que j’adorais. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il s’est passé ensuite. Je ne pensais même pas qu’il verrait le post ! Quand il a reposté puis commenté la vidéo, je n’y croyais pas. Il m’a envoyé un message pour en savoir plus sur moi : écris-je mes sons ? suis-je signée ?

Au moment même où Booba réagit à la vidéo, j’appelle ma mère directement. On était en train de signer un contrat avec un autre artiste, j’ai tout annulé et tout s’est très vite enchaîné après ça. D’ailleurs, je n’étais encore jamais allée en studio à ce moment ; je faisais tout dans ma chambre. 

Comment tes parents ont-ils réagi quand ils ont vu tout l’engouement autour de toi ?

Ils ne s’y attendaient vraiment pas. Mes parents connaissaient Booba de nom, et ma mère se souvenait de quelques titres. Ils ont compris que ce n’était pas quelque chose à prendre à la légère.

Qu’est ce qui a changé à partir du moment où tu as été accompagnée par Booba ?

J’ai pu faire mes premières sessions studio, chez Dany Synthé. C’était incroyable, je pouvais enfin avoir des retours dans les oreilles, contrairement à ma chambre ! J’ai un super souvenir des premières sessions. Aujourd’hui, je travaille dans un studio généralement très calme, où j’arrive à me concentrer facilement. On est souvent en très petit comité, ça aide. 

Ton premier titre sur les plateformes, “Âme d’enfant”, sort en juin 2020. Quels ont été les retours pour cette première prise de parole officielle ?

Beaucoup de bons retours, j’étais contente. Quand je l’écoute aujourd’hui, j’en suis fière mais je perçois quelque chose d’enfantin encore. Mes morceaux les plus récents sont bien plus matures, dans les textes comme dans la voix. Il n’empêche que c’est le tout premier texte que j’ai écrit de ma vie, je l’avais avant même de signer. Avant de l’écrire, je n’avais jamais eu l’idée de composer moi-même mes textes, avec mes mots. 

L’EP “Equinoxe” est ton tout premier projet, près de trois ans après ce titre. Comment as-tu travaillé pendant ces quelques années pour aboutir sur cet EP ?

Comme je n’étais encore jamais allée en studio, il fallait que je m’approprie cette nouvelle manière de travailler. J’ai dû m’appliquer à l’élaboration d’un univers musical. Ça peut paraître long comme ça, mais c’était nécessaire pour me trouver et prendre en maturité. Dans la musique comme dans la vie. 

Pourquoi avoir choisi de nommer le projet “Equinoxe” ? Qu’en est-il du tracklisting ?

Je l’ai appelé ainsi pour ramener la dualité de l’équinoxe à celles que l’on rencontre tous les jours. Et aussi car le projet est sorti en mars, mois de l’équinoxe du printemps. Concernant la tracklist, on avait beaucoup de sons, donc il a fallu faire plusieurs sélections pour ne garder que ceux présents sur le projet. C’est forcément dur de laisser certains titres de côté, mais on a choisi les meilleurs. 

La thématique du ciel, de l’espace revient à des nombreuses reprises à travers le projet, à l’image du titre “Le ciel s’en rappelle”: “La pluie d’étoiles sur ma tête / Viens d’un monde où le ciel s’en rappelle”. Pourquoi est-elle le fil rouge de ton EP ? 

C’est quelque chose qui m’intrigue autant qu’il m’apaise. Je suis très intéressée par l’univers, les étoiles, etc. Quand je pense à tout ça, cela m’inspire pour écrire. 

Le titre “Paysage” nous a particulièrement marqué par la finesse de certaines phrases, comme celle-ci : “J’ai compté chacune de mes larmes / À moitié vide, je vois mon reflet dans ce verre”. Quel rapport as-tu depuis petite avec l’écriture, la poésie et l’imagination ?

Je n’étais absolument pas douée pour l’orthographe (rires). Par contre, j’étais forte en français, j’ai eu 16 à l’oral comme à l’écrit au Bac. L’épreuve consistait à écrire un poème, donc top ! En cours, je n’aimais pas particulièrement le français, mais je kiffais bien la poésie. 

Sur le même morceau, tu te livres de manière très intime, à l’image de ces lignes : “J’ai longtemps cherché dans le miroir / Comment cacher mes cicatrices / Quitte à les plonger dans le noir / Peut-être qu’elles auront l’air moins triste”. As-tu du mal à gérer le regard des autres ?

Parfois, je prends certaines critiques trop à cœur. Ma musique est publique, ce qui la rend accessible à n’importe qui. Je vais devoir travailler sur ce point, pour me détacher des potentielles critiques. Sur TikTok et Twitter, tu peux facilement te faire critiquer, il faut parfois s’en éloigner un peu. 

Toujours sur “Paysage”, tu chantes : “Des larmes en verre des cœurs en ciment / Un trou noir au fond des océans / Quelques flammes tout au fond des volcans”. La phrase est très imagée, et l’auditeur comprend instantanément les émotions qui relèvent de ces lignes. Comment parviens-tu à insuffler autant d’images dans tes textes ? 

Quand j’écris un titre, je visualise tout par des images. Quand j’explique la prod que je souhaite à un beatmaker, je lui explique en images, en mots-clés, mais sans terme musical. J’ai toujours fonctionné comme ça, c’est ce qui me vient directement en tête. Je sais que chez certaines personnes, ce sont davantage les couleurs qu’ils mettent en évidence. C’est intéressant de voir les différentes pratiques. 

Considères-tu avoir beaucoup d’imagination ? Comment l’entretenir ?

Oui, beaucoup. Je regarde beaucoup de films, j’adore Disney et forcément, Le Roi Lion. Je regarde tous styles de films, même si j’aime moins les films d’amour. C’est toujours les mêmes histoires qui sont racontées. Tu sais comment l’histoire commence, qu’ils se disputent au milieu et qu’ils se réconcilient à la fin. J’ai un seul contre-exemple, Titanic, où la fin n’est pas celle qu’on peut penser. 

Le troisième titre de l’EP, “Reine”, est co-composé par USKY, nouvelle signature de 92i. Comment la collaboration s’est-elle initiée entre vous deux ? 

On travaillait ensemble bien avant cet EP, pour les singles “Essayer” et “Doucement” notamment. Il n’était pas encore signé, mais on avait déjà eu l’occasion de faire des sessions studio ensemble. USKY m’a aidé dans l’écriture, en m’apprenant à voir les choses différemment pour écrire. Après ça, j’ai commencé à me prendre la tête sur mes textes, avec des phrases plus travaillées. 

“Alliés” est un featuring avec le rappeur Bilton, autre signature du 92i. Comment est venue l’idée de l’inviter sur ton projet ? 

Tout s’est fait de manière très fluide, ce n’était pas prévu pour être un feat à la base. En studio, il m’aidait pour une topline, et j’ai bien aimé le résultat. J’ai senti qu’il passerait bien dessus, donc je lui ai proposé d’apparaître sur le titre. 

Tu clos l’EP par le morceau “Dérive – Part.1”, sur lequel tu dis : “Ce soir j’me promène dans les rues de Paris / J’suis du-per j’me sens un peu comme Alice / Mais l’pays des merveilles c’est rempli de vices”. Quel est ton rapport avec la Capitale ?

Avec Paris, c’est comme une relation amoureuse : parfois on s’aime, parfois on se déteste. D’un côté, les gens qui y vivent m’énervent, mais de l’autre, j’adore la vie dans Paris. C’est très beau mais les Parisiens font la gueule, c’est spécifique à la ville. J’ai habité à Bordeaux avant d’arriver ici, ce n’est absolument pas comme ça. Là-bas, les gens ont davantage le temps alors qu’ici, ils sont pressés. 

Pour conclure cette interview, parlons de la scène. As-tu déjà eu l’occasion de te produire devant un public ?

J’ai fait la première partie de Elia à la Boule Noire, début mars. C’était très cool, le public était réceptif donc la peur s’est vite dissipée ! 

“Equinoxe” de KRN est disponible sur toutes les plateformes de streaming.