TTMS, Vol.2 : téma la taille de Ratu$

Alors que depuis deux ans le monde est en proie à une pandémie sans précédent, une autre épidémie semble se répandre dans les souterrains du rap français : on l’appelle le virus “Ratu$

Cover de TTMS2

Sa propagation aurait pour cause la fuite, le 10 décembre dernier, de TTMS, Vol.2, le deuxième volume d’une série d’EP intitulée “TOUT TRAVAIL MERITE SALAIRE“, laquelle serait produite par un obscur laboratoire nommé Saboteur Records et fondé par deux scientifiques du verbe que sont Deen Burbigo et Eff Gee. Et il semblerait, à en croire le principal intéressé, qu’une troisième vague est déjà prévue pour cette année 2022.

Dans les tréfonds de Pierrefite

Mais revenons sur les origines du virus. Localisé à Pierrefite-sur-Seine dans le 93, le foyer a déjà vu naître cette année un variant tout aussi redoutable du nom d'”Olazermi“. Mais sa transmission est sensiblement différente : loin de rester en surface, le “rat-peur” préfère nous faire visiter les profondeurs de son habitat naturel.

Ainsi, TTMS, Vol.2 n’est autre qu’un voyage de 31 minutes dans les tréfonds de Pierrefite dans lequel le lyriciste transforme son lieu de résidence en immense égout à ciel ouvert. Dans ce monde où les ruelles deviennent des canalisations, où la guedro se déverse comme des eaux usées et où les charbonneurs sont des rongeurs, se dégage une puanteur insoutenable : celle de la rue.

Je level up, fais gonfler le produit (C’est nous)
Et reste introuvable dans les conduits (Bien cachée)
Tah bon rat d’la cité, j’ai la conduite (Ratu$)
Que d’la véracité dans tout c’qu’on dit (3.8)”

TTMS

Jour et nuit

Dans ce projet de 9 titres, Ratu$ dépeint un univers sombre et nocturne. A l’image de la cover du projet, où l’on ne sait plus si c’est la nuit qui tombe ou si c’est le matin qui se lève. Prisonniers de cette boucle temporelle, nous sommes plongés dans le “vécu ratu$ien” : une routine lugubre régie par la galère, faite de substances illicites et de larcins en tous genres.

Fais pas la coquine avec mes khos, dans la villa j’déboule j’suis avec des pauvres
Si y’a qu’un grec nous on se laisse qué-cro
Connais la recette vu qu’on s’lève très tôt”

CELLULAIRES

Côté forme, les productions sont inquiétantes. Les textes, eux, sont incisifs et bourrés d’images saisissantes, entre humour glacial et paradoxes :

“Mon gars s’mari j’viens de recevoir le faire-part
Les ptits de mon pote vont venir t’livrer en vespa

LETSGUILL

J’vendais des boulettes, j’avais aux bras quelques poulettes
Ramène ton stock pour l’écouler, comme Zaïrois j’aime les kichta de toutes les couleurs

NOMBRE 38

Pourtant, nous, auditeurs, avons bien failli ne jamais être contaminé par la musique de Ratu$. Avant ‘Velux’ j’étais à deux doigts d’cher-lâ” révèle-t-il sur “NOMBRE 38”. On peut donc remercier Alpha Wann, son ami du label R.P.T.G. de l’avoir révélé au grand jour en l’invitant sur sa très bruyante don dada mixtape vol.1.

Bien s’entourer

Sur l’EP, Ratu$ est épaulé par d’autres rats des villes. Sur le titre “NOMBRE 38“, il invite par exemple Crones, son ami de Pierrefite-sur-Seine et qui avait déjà participé au premier volume de la série sur le titre “93P”. On peut aussi mentionner le passe-passe avec S.Pri Noir sur le morceau “SUR ECOUTE”. Mais il faut surtout souligner la connexion Paris-Marseille intitulée “PM 7513” en featuring avec son mentor Deen Burbigo et Zamdane, la nouvelle étoile de la cité phocéenne.

Car c’est bien connu : vrai rat ne traîne jamais seul. Tout animal sauvage a besoin d’une bande pour survivre, le rappeur trentenaire insiste alors sur la nécessité d’avoir un entourage solide pour réussir. Comme sur le très introspectif et mélancolique “LETSGUILL” ou “SEMINAIRE“, l’outro du projet.

J’allume ma garette-ci dans l’noir
J’suis avec toute l’équipe dans l’squar
Très souvent chez Bigo on squat
On a refait l’monde en un soir”
.

LETSGUILL

On cherche pas à vendre des millions de disques ni à se faire aimer
On veut la cohésion du groupe, comme l’a fait Aimée

SEMINAIRE

Mais il met aussi en garde ses auditeurs sur la trahison et l’importance d’avoir des amis fiables (“L’amitié, une merde qui t’pète à la gueule quand ton pote l’ouvre trop / Ma confiance est dévouée à quelques frères et quelques louveteaux”).

“Y a trop un truc de bolosse en France”

Cette méfiance, il l’entretient envers tout le monde mais encore plus envers l’Etat : “La France met des carottes à l’Asie, à l’Afrique” , “Ils mentent comme les politiques sur le vaccin” (SEMINAIRE). Le rappeur se sent en décalage avec le système en vigueur et surtout avec le racisme qui l’inonde. Ainsi, fier de ses origines maghrébines et insulaires, Ratu$ n’hésite pas à revendiquer ce double héritage haut et fort tout au long de l’EP.

Mon daron est rebeu, ma daronne antillaise”
CURRICULUM

J’encule les racistes, du sang blanc et noir en moi
NOMBRE 38

Mais loin d’être né pour briller, le rappeur sait qu’il faudra redoubler d’efforts pour réussir : “La fin du mois s’ressent d’puis 2002, j’suis né dans la merde, j’vais mourir dans la soie” (NORVEGICUS). Des sacrifices dont il a conscience et qu’il est prêt à endurer. Après des années passé sous terre, Ratu$ est bien déterminé à connaître la lumière.

TTMS, Vol.2 de Ratu$ est dispo sur toutes les plateformes :

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