Mélangez un parcours accidenté, un artiste solide et sensible, ainsi que 13 titres touchants et explosifs, puis vous obtiendrez la recette pour le nouvel album de BEN PLG disponible depuis le 26 novembre dernier. Il s’était incroyablement bien démarqué par sa plume et ses messages en 2020 à l’occasion de son premier album, il revient affirmer sa place amplement méritée sur la scène du hip hop français avec ce deuxième opus.
Il semblerait que celui qui est « né pour briller » maintienne à merveille la flamme de son inspiration qu’il puise dans son propre parcours ou celui des autres. Pour La Pépite, BEN PLG revient sur Parcours Accidenté et son histoire.
ACCIDENTÉ MAIS INSPIRÉ
La Pépite : Tu reviens en cette fin d’année avec ton deuxième album, Parcours Accidenté. Le nom de ton projet fait-il référence à ton propre parcours, lui-même accidenté ?
Ben PLG : Carrément. Globalement, je réfléchis aux titres de mes albums par rapport à la pochette et aux contenus des sons. En général, une fois que j’ai tous les morceaux, j’ai des images qui me viennent en tête et j’essaye de réaliser la cover en fonction de ça. J’aime raconter mon histoire et celles des autres. Il y a plusieurs parcours accidentés.
P : Sur ta cover, tu es assis au centre, dans un bus, avec des usagers autour de toi. Ça nous rappelle la pochette de Dans nos yeux, ton précédent album, où tu es assis au centre d’un bar PMU, entouré d’un panel de gens différents. Pour ce premier projet, l’idée était notamment de mettre sous le feu des projecteurs les Français invisibles, ceux qu’on croisent tous les jours mais dont on parle rarement au final. Tu avais la même idée en tête pour ce nouvel album ?
B : Ça, c’est globalement ma musique. Je commence pas ma musique en me disant que je vais parler de la France des invisibles ou quoi que ce soit. Disons plutôt que ce sont mes inspirations. Il n’y a pas très longtemps, je disais à un ami que, quand je vais faire mes courses à Lidl, ça me donne envie d’écrire trois chansons qui parlent des gens. Tu croises pleins de profils différents et ce sont des choses que j’ai envie de raconter.
Quand j’étais petit, j’avais envie d’être journaliste. Mon grand-père travaillait à la voix du nord. C’est marrant parce qu’il me disait tout le temps qu’il rencontrait pleins de profils différents. Un jour, il m’a avoué au détour d’une discussion qu’il avait déjà interviewé Brel, Brassens… C’est fou parce qu’il me l’avait jamais dit ! Il me parlait tout le temps des « petits gens » comme il disait, des « gens du quotidien ». C’est rigolo parce que, sans que ça soit forcément volontaire, ma démarche dans la musique ressemble à ça.
J’ai un sac avec toutes mes émotions dedans et quand j’écris, je rouvre le sac.
P : Quel est le fil conducteur entre ces deux pochettes, qu’est-ce que ces deux lieux représentent pour toi ?
Je te parlais du Lidl juste avant, mais le bus c’est exactement pareil. Tu croises tellement de profils différents : des mamans avec des cabas de courses remplis, des gens dans le besoin, d’autres qui rentrent du boulot et qui sont dans le speed… En vrai, c’est mystique le bus. Un lieu qu’on côtoie tout le temps, tous les jours…
ACCIDENTÉ MAIS RAYONNANT DE SENSIBILITÉ
P : Dans ton titre Vivre et mourir à Dunkerque, que l’on retrouve sur ton projet, tu précises : « J’suis bon qu’à raconter des histoires ». Comment ça se fait que la vie ou le parcours des autres t’inspirent autant ? Qu’est-ce qui te pousse à écrire dessus ?
B : La réponse est dans la suite de la phrase : « J’suis bon qu’à raconter des histoires, comme un sparadrap sous la pommette. » Quand tu croises quelqu’un avec un sparadrap sous la pommette, ça raconte quatre histoires différentes. C’est mystique et hyper impressionnant. Quand t’ouvres les yeux et que tu regardes autour de toi, il se passe trop de trucs. C’est ce qui me touche le plus. Parfois, quand tu fais beaucoup de studio, tu peux avoir peur de manquer d’inspiration. Sauf qu’il se passe tellement de trucs dans ma vie ou dans celle des autres, qui me choquent et qui me marquent, que j’arrive quand même à écrire. J’emmagasine, j’ai un sac avec toutes mes émotions dedans et quand j’écris, je rouvre le sac.
Comme je disais dans un morceau, « heureusement que mes gars jouent du piano qui fait parler ». Quand j’écris, c’est une ouverture de ventre. Je cherche une instru qui me prend aux tripes et qui me provoque des émotions. En général, j’écris directement sur place au studio ou pendant que je me balade. Je sors dans la rue, je vais prendre une canette au Lidl, je m’assois à un arrêt de bus et c’est comme ça que je provoque un peu le truc. Quelque chose me vient et je tire le fil de ma tête.
Quelque chose me vient et je tire le fil de ma tête.
P : Est-ce qu’on pourrait te décrire comme un grand observateur ?
B : Je dirais plutôt un grand sensible, dans le sens où beaucoup de choses me touchent. Je les regarde, mais plus que de les voir ou les raconter, je les ressens et les raconte. Je peux pas rester impassible devant ce que je vois au quotidien. Là, cette semaine, j’ai rencontré un mec qui s’appelle Iliès. Je lui ai fait du coaching scénique pour jeunes rappeurs, et il me racontait son parcours… En vérité, il y a des tas de moments où des choses vont me provoquer des sentiments, des émotions, des réflexions, et je les comprends quand je les chante.
P : À partir du 7ème morceau de ta tracklist, les titres qui se succèdent font référence au ciel : L’orage et la foudre, En-dessous des nuages et Pas du bon côté du soleil. Pourquoi ? Qu’est-ce que ça représente pour toi ?
B : Bien vu ! À la base, c’était pas vraiment calculé. Je fais les morceaux, puis au bout d’un moment tu te rends compte du lien entre eux. Ce qui est sûr, c’est qu’on a l’habitude d’avoir un ciel gris dans le nord, mais au final, il peut briller et on peut le trouver cool. Je dis souvent l’expression « sourire sous la pluie ».
Dans Pas du bon côté du soleil, ça parle de soi même. Dedans, je dis « 14 degrés c’est le sud », et c’est vrai que quand tu grandis à Lille, Dunkerque, Roubaix ou Tourcoing, il caille ! (Rires) Le titre En dessous des nuages est plus terre à terre. C’est une chanson sur ma soeur. Au final, le thème de ma musique n’a pas grand-chose à voir avec la météo, c’est juste une image. Le morceau L’orage et la foudre fait plus référence au bruit.
P : Le dernier titre de ton projet s’appelle On préfère les chansons tristes. Pourquoi on préfère les chansons tristes ?
B : Globalement, c’est ce qui me touche le plus. La mélancolie est très présente dans ma musique. Y a des artistes qui font de la musique dansante mais avec une mélancolie hyper touchante. C’est même quelque chose qui peut me toucher chez Jul ou chez Naps ! C’est marrant parce que ça ressemble presque à un constat un peu fataliste, dans le sens où je le dis en souriant. Il s’agit pas du tout de déprime ou autre ! (Rires)
ACCIDENTÉ MAIS OPTIMISTE ET POSITIF
P : Tu nous proposes parfois des thèmes assez sombres et difficiles dans ta musique, comme la pauvreté ou la solitude, mais sans trop de pessimisme au final puisqu’ils sont souvent accompagnés de messages d’espoir. Comment tu l’expliques ?
B : En vérité, je suis vraiment rempli d’espoir. Je suis carrément utopiste, j’abandonne jamais… On baisse pas les bras ! J’ai mangé des pâtes et des surgelés Lidl toute mon enfance mais j’ai jamais voulu m’arrêter à ça. Là, on commence à faire évoluer ma musique, notre vie, mais on va pas s’arrêter là. Je veux des nouveaux rêves tous les jours ! On peut s’ouvrir les portes nous-mêmes, j’en suis convaincu. On préfère les chansons tristes, mais toujours avec de l’espoir ! Ne jamais s’apitoyer… C’est vraiment pas le message.
Mais tu l’as compris et ça me régale parce que ça m’est déjà arrivé qu’on me dise que ça plombe le moral, sauf que non, je raconte des choses réelles qu’on n’entend pas forcément dans toutes les chansons, mais c’est justement en parlant et en montrant ce qui ne va pas que le point de vue change. Tu vois toute la poussière qu’on a mis sous le tapis ? Je le soulève et je souffle dessus. On va forcément se la prendre dans la gueule mais après elle s’en va !
Chaque période de ma vie a sa propre BO.
P : On ressent l’influence des années 2000 via tes textes et ta plume, mais aussi une vibe très actuelle. Tu es capable de t’adapter à n’importe quel type de prod, tu parviens à allier esthétique et conscience sociale à travers tes musiques et tes clips. Ta musique est sincère, notamment lorsque tu écris sur le quotidien de la vie, mais avec beaucoup de technique.
B : Il n’y pas très longtemps, je me suis rendu compte que quand je cite des artistes dans mes chansons, je dresse la BO d’une certaine période de ma vie. Si je parle de mon enfance, je cite des artistes que j’écoutais à cette époque. Chaque période a ses artistes. C’est pas une volonté de faire un hommage continuel aux années 2000, loin de là.
J’aime beaucoup les titres de cette époque mais mes influences sont vraiment multiples, il ne s’agit pas que des morceaux à l’ancienne. Là, en ce moment, j’écoute beaucoup So La Lune, Khali, La Fève…
P : Dans le titre Né pour briller, on retrouve plusieurs références et on dirait même que c’est chronologique, du rap ancien au rap plus récent. Tu parles de Salif, Nessbeal et SCH. Tu trouves un dénominateur commun entre ces trois artistes ?
B : Clairement ! Ce sont des artistes qui font passer des émotions de fou. Salif, dans Elle est partie, quand il hurle et qu’il insulte le gérant du bar, à ce moment-là j’ai dix ans et je suis traumatisé ! C’est pareil pour Nessbeal et SCH, en termes d’émotions et d’interprétations c’est juste impressionnant.
ACCIDENTÉ MAIS AU BON ENDROIT
P : Quels sont tes rapports avec les autres artistes issus de la même région que toi ?
B : De très bons rapports. J’ai travaillé avec Bekar pour un titre de l’album et la moitié du projet est produite par Lucci, un beatmaker originaire de Lille. Il y a pleins de rappeurs qui commencent à émerger, et c’est génial parce qu’on est tous hyper bienveillants les uns envers les autres et on se réjouit toujours du succès d’untel ou untel. On se côtoie pas forcément au quotidien mais on s’organise des soirées lorsqu’on sort des projets, on se donne tous grave à fond et ça tue.
Ça me fait super plaisir de vivre cette période-là, parce qu’avant il n’y avait pas vraiment d’artistes émergeants à part Gradur… On essayait tous de percer un plafond de verre mais on savait pas comment et là on commence à exister sur la carte. Après, je représente d’où je viens et je suis hyper fier de ma région, mais je suis pas forcément dans une volonté « régionaliste » (rires).
On commence à exister sur la carte.
P : Le clip de Vivre et mourir à Dunkerque reflète l’image d’une ville ensoleillée, rayonnante, lumineuse et chaleureuse. Est-ce que, avec ce clip, t’avais justement envie de rompre avec cette vision peut-être un peu simpliste qu’on peut se faire du Nord de la France ? Montrer un autre visage de Dunkerque, plus chaud et estival ?
B : Oui, forcément, quand on est en plein mois d’août y a un peu de soleil quand même… (Rires) Mais je voulais surtout raconter mes vacances quand j’étais petit. Je parle des étés où t’as pas pu partir en vacances parce qu’il fallait changer la machine à laver et tu te retrouves à aller chez tes cousines à Dunkerque… Tu fais une heure de route, t’as l’impression de partir loin mais au final t’es qu’à 30 minutes en train de chez toi… C’est pleins de souvenirs et d’images qui me reviennent en tête dont je parle dans ce morceau.
Quand mon meilleur ami et backeur sur scène a entendu le morceau, il a dit qu’on s’y voyait vraiment. On entend les mouettes crier, etc. Et c’est ça Dunkerque : tu pars en vacances pendant deux semaines, il pleut sept jours, t’as droit à deux jours de soleil plein, et le reste du temps y a juste trop de vent, tu peux même pas te baigner… Enfin non, c’est faux, nous on se baigne même quand il fait 18 degrés ! (Rires) Je voulais aborder ce thème parce que ça me touche et plein de gens m’ont dit : « Mec, t’as raconté mes vacances », et je trouve ça trop bien, ça me fait plaisir.
BEN PLG – Vivre et Mourir à Dunkerque
P : Est-ce que les objectifs et les intentions de ce deuxième album sont différents du premier ?
En terme de musique, j’avais envie de faire mieux que l’album précédent. Sur le premier, j’ai eu la chance d’avoir un espèce de succès critique médiatique. Un succès d’estime. Enfin, là, le but, c’est aussi d’atteindre de plus en plus de monde et de faire évoluer ma musique. Je suis super content, je trouve qu’on a réussi à évoluer tout en gardant l’essence de mon projet. Pour les objectifs, on verra ! Je reste convaincu que je fais la meilleure musique possible et la plus sincère. Après, c’est plus dans mes mains !
Parcours accidenté de BEN PLG est disponible sur toutes les plateformes.