DALA

DALA ET MLJ HILLS SUR LE POSTER

En juin dernier, Dala sortait son premier album MLJ Hills. Un an après sa signature chez Piraterie Music, le rappeur originaire de Mantes-la-Jolie est venu affirmer son talent avec ce projet incroyablement bien ficelé. Conçue en famille, cette première carte de visite nous montre une partie de son univers. Capable de kicker comme de chanter, sa voix rauque et atypique apporte la touche finale à ses textes sombres et riches. Âme de bosseur et d’acharné, Dala revient avec La Pépite sur la conception de son album.

La Pépite : Un peu plus d’un an après ta signature chez Piraterie Music, tu sors enfin ton premier album, MLJ Hills, dont les trois premières lettres sont en référence à Mantes-la-Jolie, ta ville. Pourquoi t’as rajouté le Hills derrière ?

Dala : Le code postal de Mantes-la-Jolie, c’est 78200. Celui de Beverly Hills, c’est 78210. Ça ne veut rien dire, mais ça rimait un peu ! (Rires)

P : Dans le titre BOODER, tu termines le morceau par « MLJ Hills sur l’poster »..C’est important pour toi de représenter ta ville ?

D : Fort, bien sûr ! Il y a eu pleins de stars dans ma ville. Que ça soit dans le foot, dans le rap ou dans la littérature. On a des auteurs qui ont écrit des bouquins, parfois même sur le grand banditisme.

UN PREMIER ALBUM POUR UNE PREMIÈRE CARTE DE VISITE

P : Quand on lance l’écoute du projet, on se rend très vite compte que tu nous as pondu un opus travaillé au détail près. Dès l’intro, on sent tout de suite que t’es pas venu là pour rigoler mais bien pour affirmer ta place et ton talent artistique. Il y a plusieurs choses qui m’ont marqué à l’écoute de ton projet.

Tout d’abord, ta plume. On dirait vraiment que tu t’amuses à écrire et à manier les mots, à les choisir, les placer… Ça a l’air de glisser naturellement ! Comment tu décrirais ton rapport à l’écriture et l’importance que tu lui donnes ?

D : Moi, personnellement, je donne une grande importance à l’écriture. Quand j’ai commencé à m’intéresser au rap, j’écoutais pas les artistes égotrip mais les rappeurs à l’ancienne. Lunatik, Mafia K’1 Fry, IAM… J’écoutais pas trop NTM. Il y avait aussi Expression Direkt, des grands de chez moi. C’était un groupe ultra connu, ils ont rappé dans la bande originale du film La Haine.

Ils faisaient du bête de rap avec des grosses écritures. Comme je me suis inspiré un peu de ça, je me suis senti un peu obligé de faire des textes quand même bien écrits. Après, on va pas s’mentir, j’aime bien le rap, c’est pour ça que j’écris. Je prends plaisir à écrire des bons trucs, à écouter et à voir que ça glisse bien.

P : Tu dirais que t’es beaucoup critique envers toi-même vis-à-vis de ton écriture ou tu passes vite à autre chose ?

D : Ça dépend. Parfois, j’vais pas prendre beaucoup de temps, genre 25 minutes d’écriture et le son est frais. À l’inverse, j’peux écrire pendant trois/quatre jours. Des fois, t’écris un 12 mesures, t’étais bien inspiré, et tu finis par laisser un trou pendant trois mois. Puis un beau jour tu reviens dessus en studio et tac, tu finis le son.

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Crédits : @k8vails

P : Je pense aussi aux thèmes que tu choisis d’aborder : la violence, l’injustice, le pouvoir, l’argent, la drogue, la prison. C’est principalement sombre et tu arrives à créer des textes percutants autour de ces sujets.

Comment t’expliques que ça soit sur ces thèmes que tu t’exprimes le plus, ou le plus naturellement ? Est-ce que cette colère, cette révolte ont toujours été ancrées en toi ou ça ressort surtout avec la musique ?

D : Ça n’a pas toujours été ancré en moi non-plus, j’ai vécu certaines choses à certaines périodes de ma vie. J’ai connu la prison, j’suis passé par des foyers quand j’étais petit… Pleins de trucs comme ça. Après, comme pleins de gens dans le monde, t’as peut-être pas le même trajet qu’un autre mec. Ça veut dire que je raconte que ce que moi j’ai vécu.

Ça serait mentir de dire j’roule en lambo, etc. On a tous déjà roulé avec des grosses voitures, eu une certaine liasse d’argent entre les mains, c’est pas pour autant que c’est notre train de vie tous les jours. Si une fois dans ta vie t’as roulé en ferrari, tu vas pas le crier sur tous les toits. Y a des gens ils ont quatre dans le garage et ils sont à eux ! (Rires)

La musique, ça fait un paquet d’années que j’en fait, c’est pas arrivé comme ça du jour au lendemain en studio. Tu claques de l’argent, du temps, de la fatigue… Il y a trop d’étapes.

P : On retrouve aussi tout un tas de références à des personnalités puissantes, comme Johnny Hallyday, Staline, Attila, Mike Tyson, Mohamed Ali… Pour celles que j’ai citées, elles possédaient un grand pouvoir en fonction de leur domaine mais étaient aussi extrêmement admirées.

Le pouvoir et l’admiration, c’est ce que tu aimerais inspirer en tant qu’artiste ?

D : Le pouvoir, pas trop. L’admiration, ça dépend de quelle façon. Si des gens peuvent s’identifier à moi parce que j’ai grandi dans une cité, que j’ai pas fait de grosses études mais que j’ai réussi à faire du son parce que j’ai jamais lâché alors c’est différent. La musique, ça fait un paquet d’années que j’en fait, c’est pas arrivé comme ça du jour au lendemain en studio. Tu claques de l’argent, du temps, de la fatigue… Il y a trop d’étapes.

Après, de nos jours avec les réseaux, il y en a qui pètent direct avec un son. Nous, ça a pris plus de temps. Ça veut dire en vrai si mon parcours peut être un exemple pour que les gens lâchent pas leur délire et continue leurs bails, alors j’suis content. Tu sais, moi j’ai déjà sorti des projets avec mon pote Vodoo qui est mon manager actuel ! On a déjà fait deux projets, un qui a vu le jour et un qui était à deux doigts de sortir. Au final, on a signé avec Kopp entre temps et c’est MLJ Hills qui a vu le jour à la place. (Rires)

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Crédits : @k8vails

P : Tu nous proposes aussi des références cinématographiques comme Walking Dead, Dr. Jenkins et Mr. Hyde, sans oublier la littérature avec, par exemple, la citation de Georges Orwell dans la dystopie 1984 au début du clip de FIN : « Ils se révolteront quand ils seront devenus conscients et ils ne pourront devenir conscients qu’après s’être révoltés ».

Cette phrase, elle représente quoi pour toi ?

D : Ça, c’est quand t’arrêtes d’être un mouton. Le berger, faut le balayer. Mais pour l’attraper et le balayer, il faut déjà arrêter d’être un mouton. Pour accomplir des choses, il faut parfois s’en donner les moyens.

P : C’est parce que c’est quelque chose qui a compté pour toi de prendre ta propre direction et ne plus suivre le mouvement ?

D : Moi, j’te mens pas, j’ai jamais écouté dans la vie. J’écoutais pas les profs quand j’étais petit et j’écoutais pas trop non-plus mes parents, sinon j’pense que je serai même pas dans le rap à l’heure actuelle. Ils voyaient un autre avenir pour moi. Mais bon, ils sont quand même fiers de ce que je fais.

P : La cinématographie et la littérature, qu’est-ce que ça t’apporte au quotidien et à ta musique ?

D : Certes, tu fais de la musique, t’écris, t’enregistres au studio… Mais après, tu passes au clip. Et parfois tu parviens à te créer tes propres idées grâce à des éléments que t’as vu dans des films. C’est super important de se tenir à la page, que ça soit musicalement ou dans le cinéma. Tu peux pas parler de Scarface toute ta vie !

Quand t’as pas de hit, t’es mort.

P : Plus globalement, avec ce premier album, tu nous montres toute une palette de ton univers : t’es capable de kicker, de chanter, tu t’adaptes à des prods brutales comme plus mélodieuses. On sent bien que tu travailles à fond sur ta technique et que tu ne le limites pas qu’à un seul registre, chaque titre se distingue du précédent et c’est jamais redondant.

Est-ce que c’était une manière pour toi de montrer toute l’étendue de ce que tu peux proposer, ou ça s’est juste fait naturellement ?

D : J’suis pas trop dans le calcul. Ça aurait pu être possible que tout le projet soit kické. Après, de nos jours, quand tu sors un projet, t’es obligé de mettre des hits dedans. Quand t’as pas de hit, t’es mort. On a fait au feeling, on fait ce qu’on sait faire en kickage, puis on glisse un petit hit ou deux.

J’vais essayer de faire des trucs plus frais dans d’autres délires, mais ça restera toujours écrit avec ma vision du jeu.

P : Est-ce que tu t’es fixé un objectif avec la sortie de ce projet ?

D : Je suis pas trop sur des ventes stratosphériques… J’suis plus sur une carte de visite, mon premier projet. S’il peut vendre, c’est top, mais c’est plus pour montrer aux gens que j’suis dans l’écriture, que c’que j’fais c’est ça. J’vais essayer de faire des trucs plus frais dans d’autres délires, mais ça restera toujours écrit avec ma vision du jeu.

P : Pour l’avant dernier titre de ton projet, DEALER, on te retrouve dans un univers très différent de ce que tu nous as proposé depuis le début. La prod se veut plus joyeuse, plus dansante, et tu dégages toi-même une aura différente de ce qu’on a pu ressentir dans les morceaux précédents. C’était quoi l’idée avec la conception de ce morceau ?

D : A la base, on n’avait pas d’idées spéciales. Nous, on fait du son au feeling. La prod, elle nous plaisait donc on a commencé à bosser une topline. On a vu que ça rentrait bien, ça glissait et ça s’est fait naturellement. C’était un petit son à la cool, pas écrit sérieusement de ouf comparé à d’autres sons que j’ai fait.

RETOUR À CASABLANCA

P : Les visuels qui accompagnent ta musique et plus particulièrement ce projet sont travaillés et très esthétiques. Pour la cover de ton premier album, tu as décidé de partir sur un univers en noir et blanc. Les enfants qui t’entourent sourient et semblent s’amuser, je trouve que le cliché dégage quelque chose de très sain et positif… La photo a été prise au Maroc ?

D : Ouais, à Casablanca.

P : C’était cool pour toi de retourner là-bas pour la cover et le clip de BOODER ?

D : Ouais grave ! À la base, j’étais parti pour un truc plus administratif. Au final, on a vu que c’était frais et que y avait moyen de la faire là-bas donc on a fait direct. C’était carré, j’ai bien aimé le tournage au bled. J’t’ai dit, c’est beaucoup au feeling la Piraterie !

P : Qu’est-ce qu’elle dégage pour toi cette cover ?

D : Pour l’anecdote personnelle, j’ai vécu six piges au bled quand j’étais petit. Ça me rappelle des souvenirs. Là-bas, ils ont moins que les petites Frances, ils ont un pays moins développé, c’est pas le tiers monde non plus mais ils ont plus besoin. C’est une autre éducation, c’est un autre truc le bled.

P : Tu suis un peu la scène marocaine ?

D : Fort ! Après, y a pleins de blazes que j’ai oublié, mais y a mon pote 7LIWA, ça fait longtemps que je le suis. On discute beaucoup, on n’est pas à l’abri de faire un truc ensemble demain, on sait jamais !

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Crédits : @k8vails

PROJET SOLIDE ET EN FAMILLE

P : Maintenant que le projet est sorti, qu’est-ce que tu retiens de sa conception ? Est-ce qu’il y a un avant et un après Dala ?

D : Je sais pas comment expliquer ça mais y a pas vraiment d’avant et d’après Dala. Il y a Dala signé chez Piraterie où c’est plus esthétique et plus pro qu’avant, mais en vrai, l’humain reste le même. Quant à la conception du projet, c’était propre. J’ai bossé avec mon ingé son WANTED. C’est un bon gars, il est très fort et donne de bons conseils. Il m’a un peu coaché, pareil avec mon gars Vodoo.

P : Au total, on te retrouve sur 13 titres différents, dont trois feats avec Booba et un en commun avec JSX, ton collègue chez Piraterie. Et même quand on check les producteurs des morceaux, on retrouve des grands noms de la scène actuelle habitués à collaborer aux côtés de Booba et ses artistes, comme Yayaonthetrack, Diabi… Est-ce qu’on peut dire que, d’une certaine façon, ce projet a été créé « en famille » ?

D : Comme jamais ! Même sur les feats c’est écrit, il y en n’a pas 36 000.

P : Ça fait une dizaine d’années que tu rappes, tu avais déjà fait quelques apparitions en étant invité sur des morceaux ou en proposant des formats freestyles, mais c’est en 2021 que tu vis ta première grosse exposition lors de ton feat avec Booba sur Vue sur la mer pour son dernier album. À l’époque où l’on pouvait davantage te retrouver dans un public plus « niche », comment tu vis cette première grosse exposition ?

D : Ça m’a fait plaisir ! Booba, je l’écoute depuis des années, comme beaucoup de personnes. Le fait qu’il m’ait appelé et qu’il reconnaisse du talent, ça m’a donné du boost ! Tu te dis que t’as pas fait ça pour rien, que t’as bien fait de continuer et que ça peut peut-être marcher !

P : Quand le son est sorti, t’avais une certaine fierté, t’étais content ?

D : Content comme jamais ! Toute la cité était contente. Ensuite, j’ai directement enchaîné la préparation du projet.  

P : Maintenant que ton premier album solo est sorti, comment tu te sens ? Comment tu te projettes ?

D : Là j’me sens bien, tranquille. J’espère que l’album va plaire à un maximun de personnes possible. J’suis déjà sur la suite ! J’essaye de laisser ça au passé comme ça je bosse un nouveau truc frais.

P : T’es fier de ton parcours ?

D : Comme jamais !

MLJ Hills de Dala est disponible sur toutes les plateformes de streaming.

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