Crédits : @oxomalga

LAVENTUR SELON JYEUHAIR

Soif de créer et avec une volonté de fer, JYEUHAIR a clôturé 2021 avec un EP bourré de belles surprises. Artiste de la tête aux pieds, capable de dessiner, écrire, chanter et composer, voilà plusieurs années que le jeune homme de 26 ans a décidé de mettre l’accent sur le rap. Avec Laventur, disponible depuis le 03 décembre dernier, JYEUHAIR nous invite au voyage et à la réflexion.

Le début de Laventur

La Pépite : On remonte cinq ans plus tôt, en 2016, lorsque tu intègres l’école des beaux-arts de Caen. Là-bas, tu rejoins le collectif La Dose, ce qui te permet de réaliser tes premiers concerts et d’approfondir ton rap. Dans quel contexte les as-tu rencontrés ?

JYEUHAIR : Lorsque j’étais aux beaux-arts, j’ai sorti un clip. Un gars m’a dit que c’était cool et il m’a proposé de passer à un événement appelé « Caen rappes-tu ». Il s’agissait d’une soirée rap où des gens pouvaient performer. J’ai participé et un des membres de La Dose m’a repéré à ce moment-là.

Depuis, j’ai rencontré tous les copains ! C’est avec eux que j’ai découvert la scène et le monde de l’open mic. Je me suis mis à rapper dans des bars puis après sur des scènes. Ils ont un peu « punkisé » mon rap ! (Rires)

P : En quoi cette période a-t-elle influencé ta musique ? 

J : Ils m’ont influencés sur beaucoup de points. Cette période m’a énormément formé à la scène, à l’expérience de groupe, le travail en équipe. Ils ont aussi eu un impact sur ma manière d’écrire parce qu’ils arrivaient à refléter des choses en moi que je n’arrivais pas forcément à mettre en lumière. Ils ont débloqué des trucs et ouvert de nouvelles portes.

JYEUHAIR LAVENTUR
Crédits : @oxomalga

P : Ton talent ne passe pas inaperçu et de belles opportunités se présentent à toi par la suite. Tu réalises les premières parties de Disiz, Guizmo, Berywam ou Colombine. Comment on se sent quand on réalise des premières parties d’artistes ?

J : Ça dépend des artistes ! Il y en a qui m’inspirent plus que d’autres ou qui font parti de mes influences. Disiz et Guizmo j’étais très content et complètement sous adrénaline. Je connaissais moins Berywam mais j’ai passé un super moment. À chaque fois qu’on fait une première partie, on s’attaque à un autre public et on se demande comment tel ou tel public va recevoir notre travail. Ça donne beaucoup d’adrénaline et c’est ça qu’est cool !

Je me suis dit que ça serait d’exprimer des choses donc je me suis mis à écrire.

P : T’as commencé à faire de la musique à quel âge ?

J : Vers mes 13 ans. J’ai commencé par faire de la musique électronique. L’idée était de réaliser mes propres bandes sons et de fil en aiguille je me suis dit que je pourrais faire des vraies musiques. À l’époque, j’écoutais beaucoup de K-POP !

P : Comment tu t’es mis au rap ?

J : Le rap a toujours un peu tourné autour de moi. Je ne me rappelle plus précisément mais il y a sans doute un moment où je me suis dit que ça serait cool d’exprimer des choses donc je me suis mis à écrire. 

Laventur s’intensifie

P : Aujourd’hui, tu as 26 ans et désormais deux projets à ton actif. Dans Laventur, on retrouve beaucoup d’influences musicales, allant des sonorités électroniques au hip-hop. Tu t’émancipes des codes actuels mais tu gardes une vibe très moderne. Comment s’est passé la réalisation du projet ?

J : Ça s’est passé en à peu près deux ans. On a d’abord commencer par réaliser et sélectionner les titres. Ça pouvait autant être des vieux textes qui trainaient et qui se sont concrétisés par le temps et les expériences vie, qu’une idée sorti tout droit d’un trou noir et qui explose !

Chaque morceau a son histoire individuelle mais c’était une période d’inspiration assez dense tout de même, je crois que je me sentais transcendé (Rires). Dès la première année, les sons étaient bouclés. On a ensuite enchainé sur la réalisation des clips, etc.

Une vie qui n’est pas une aventure, c’est une vie inconsciente.

P : Pourquoi Laventur ?

J : C’est ce qui en est ressorti parce que ça m’a naturellement fait vibrer. Les voyages, qu’ils soient physiques ou intérieurs, c’est quelque chose dont je parle assez naturellement. Il y a le titre éponyme du projet où je dis : « J’ai croisé le secret de l’univers dans la forêt, je lui ai marché dessus ». C’est libre d’interprétation pour tout le monde, ça ouvre un champs des possibles infinis !

Pour moi, l’aventure, c’est la réalité. Après, c’est ma vision personnelle du truc. Une vie qui n’est pas une aventure, c’est une vie inconsciente.

P : Pourquoi il n’y a pas d’apostrophe ?

J : Comme je l’ai fait avec mon blaze, et comme je l’ai toujours fait, j’ai voulu me concentrer sur la sonorité du mot avant tout. Donc je coupe et je colle, tout simplement (rires)

P : La cover qui accompagne ton projet ressemble à un dessin…

J : – Il coupe – C’est pas un dessin mais c’est cool que tu dises ça ! (Rires) C’est un pote graphiste, Naumaur, qui l’a réalisé. À la base, on avait fait un shooting presse mais les photos ne nous convenaient pas trop donc on a laissé trainer.

Au final, Naumaur a récupéré une photo de moi dans l’herbe, et tout le reste, c’est de la création pure et dure. Il a tellement transformé la photo que ça ressemble à un dessin. Il est giga fort !

P : Tu es assis face à un coucher de soleil ?

J : C’est pas un coucher de soleil mais un portail ! Mais on y a rajouté les teintes d’un coucher de soleil, donc forcément…

Je suis très sensible aux couleurs.

P : Pourquoi tu regardes un portail ? 

J : Dans le premier clip de Laventur qui est en 3D, mon personnage traverse un portail. Dans le clip qui suit, celui de Labs, il arrive dans la vraie vie via ce portail qui communique entre chaque univers. Après, il y a un côté un peu méta mais si je rentre dedans on en a pour 40 minutes…

P : En quoi cette pochette te représente-t-elle ainsi que ta musique ?

J : Je suis très sensible aux couleurs et il a réussi à toucher à des teintes qui m’ont toujours fait kiffer, comme celles du coucher de soleil. Il y a ce thème d’évasion, où je regarde à l’horizon… C’est un peu cucul finalement mais assez simple et efficace, on sait où je veux en venir (rires). Je regarde encore plus loin que l’horizon.

Cette image, c’est un peu ce souhait d’un recul ultime. C’est un peu ce que je propose musicalement et Naumaur a parfaitement réussit à le retranscrire à l’image.

LAVENTUR JYEUHAIR
Crédits : @oxomalga

Soif de créer et débrouillard

P : Tu as réalisé toi-même le clip de Laventur qui a totalement animé. A quel niveau les animés influencent-ils ton quotidien et ta musique ?

J : J’aime bien cette logique de l’impact. Dans les animés et les mangas, tout a un impact : les émotions, un combat, une nouvelle apprise. Il peut y avoir un impact lourd, considéré par exemple par une basse, un kick, et en même temps, il y a cette mélodie qui raconte une histoire. C’est quelque chose qui me touche énormément dans les mangas, ils arrivent à donner quelque chose de puissant par le biais de quelque chose de très beau.

LAVENTUR – JYEUHAIR

P : Comme tes clips, tu es également capable de créer tes propres productions ou pochettes. Tu es un artiste autonome et débrouillard, tu entreprends beaucoup de choses tout seul. C’est important pour toi d’être capable de te débrouiller tout seul et d’être touche-à-tout ou c’est parce que tu t’es retrouvé à devoir apprendre tout seul ?

J : C’est un peu des deux. J’ai naturellement voulu apprendre à faire les choses moi-même, parce que ma famille m’a appris à être débrouillard. Et puis c’était aussi une évidence parce que je dessine depuis tout petit. Du coup, à partir du moment où j’ai voulu faire autre chose, je ne me voyais pas demander à quelqu’un d’autre de représenter ce que je cherche à exprimer.

Maintenant que je vois qu’il est possible de déléguer du travail et d’avoir de l’aide, je remets un peu tout ça en question. Mais, pour moi, il est avant tout très important d’avoir le courage et l’envie de réaliser ce truc.

Sensible et pensif

P : Tu dis toi-même que tes morceaux représentent tout ce qu’il y a dans ton esprit et ces pensées qui vont « dans tous les sens ». Comment on fait pour canaliser ce flot de pensées, les condensées et les adapter à ta musique ?

J : C’est assez récent ! Ça m’a pris du temps… Je dirais qu’on fait preuve d’une certaine humilité. On ne se croit pas tout puissant ou trop conceptuel et on se dit que s’il y a des codes, c’est qu’ils permettent aux gens de mieux recevoir ce qu’on essaye de transmettre. Ça ne veut pas dire qu’il faut totalement suivre les codes, mais que s’ils sont là, c’est qu’ils servent à quelque chose…

Laventur Jyeuhair
Crédits : @oxomalga

P : Tu te définis toi-même comme quelqu’un qui « réfléchit » beaucoup ? C’est pas trop difficile à gérer ?

J : Il y a environ cinq ans, en parlant et en rencontrant de nouvelles personnes, je me suis rendu compte que c’était vraiment pas la même chose dans la tête de tout le monde. Pour moi, ça a toujours évident que telles ou telles choses étaient comme ci ou comme ça.

Mais petit à petit, en grandissant et en faisant de nouvelles rencontres, je me suis rendu compte que les façons de penser ne sont pas les mêmes et toutes les portes et fenêtres ne sont pas fermées ou ouvertes de la même manière chez tout le monde. Et au final, c’est pas très grave !

Les portes et les fenêtres ne sont pas fermées ou ouvertes de la même manière chez tout le monde.

P : Tu sais si tu réfléchis davantage à des faits de société ou bien aux émotions que tu ressens ?

J : C’est dans tous les sens possible. Dans ma jeunesse, j’ai eu de grandes crises existentialistes que j’ai aujourd’hui réussi à comprendre. Il s’agit autant de perception que de sujets de société, de spiritualité, religion… Ces « questions » sont sans réponse fixe parce que, au final, la réflexion peut être poussée tellement loin, avec tellement de recul et de profondeur qu’on se rend compte qu’il n’y a pas utilement de réponse. 

Crédits : @oxomalga

P : Et vis-à-vis de ta musique ?

J : Je pense qu’il y a pleins de vecteurs d’informations dans ce monde et que je ne suis pas obligé de dire tout ce que je pense. Je fais en sorte d’avoir une densité lyrique, des émotions, un rythme, un flow…

J’ai vraiment envie que les gens captent au moins un truc. C’est encore et toujours l’effet papillon, si quelqu’un a capté mon émotion, elle va se traduire différemment chez elle et ça va faire fleurir tout un tas d’autre chose. 

J’aime bien le rapport à soi-même. Dans Labs, je parle d’amour propre quand je dis « comment tu fais pour briller dans tes propres yeux ». La première partie du morceau représente cette découverte du soi et de l’amour propre.

Dans la deuxième partie, c’est l’aspect égo qui est mis en avant. T’as appris à connaître qui tu es, c’est devenu une forme d’égo et la barrière est très fine. Chez moi, ça passe toujours par le biais des émotions. 

LABS – JYEUHAIR

P : On en parlait un peu plus tôt mais tu fais aussi du dessin. Qu’est ce que la musique ça t’apporterait de plus que le dessin en terme d’expression ? 

J : J’ai l’impression que, quand je fais de la musique, ça sort de moi, et quand je fais du dessin, ça concrétise une émotion ou une idée. Il y a aussi beaucoup d’amour sous toutes ses formes dans mes musiques, alors que dans le dessin, je m’enferme un peu dans mon truc.

Laventur de JYEUHAIR est disponible sur toutes les plateformes :

Retrouvez notre dernier focus sur Menace Santana.