Si le légendaire collectif de la 75e Session est gage de qualité, alors ne soyez pas étonné d’y découvrir Shien, le nouvel ovni de la scène parisienne. Discret mais prometteur, l’autodérision et la sincérité de sa plume auront su séduire les membres du label, toujours à la recherche de nouvelles sonorités.
Après avoir reçu un accueil chaleureux pour la sortie de son premier EP en solo Neige en 2022, le rappeur originaire de Châteauroux sortait le 5 avril dernier avril son nouveau projet de 13 titres, Obsession. Dans ce nouvel opus, l’artiste explore avec humour les thèmes qui l’obsèdent au quotidien : les États-Unis, le rap et la réussite.
Pour La Pépite, Shien revient avec nous sur la sortie de son nouvel EP.
La Pépite : Ton nouveau projet intitulé Obsession sort le 5 avril. À l’heure où on se parle, on est un peu plus d’une semaine avant sa sortie. Comment tu te sens ?
Shien : J’ai hâte. On a sorti que deux singles, dont le premier, Obsession, qui n’était pas vraiment une surprise auprès de mon public puisque certains d’entre eux qui me connaissaient déjà l’avaient entendu sur Skyrock. Il n’y a qu’un seul morceau inédit qui est sorti pour le moment. J’ai hâte de voir la réaction des gens, puis ça fait juste du bien de sortir de la musique.
Je suis resté moi-même dans ce que je fais en tant que rappeur.
Shien
LP : Il s’agit de ton deuxième EP après Neige, sorti en juin 2022. Tu sens qu’une nouvelle étape a été franchie en travaillant sur ce nouveau projet ?
S : Ouais, je pense. C’est le but aussi, de sentir que d’un projet à l’autre, tu vas plus loin. Moi, j’ai ce sentiment là, mais il faut que le public l’ait aussi. J’ai pas envie qu’ils aient l’impression d’écouter le même projet que Neige ; j’ai réussi à avoir des couleurs différentes que mes couleurs phares, mais j’ai pas non plus eu le sentiment de me dénaturer là-dedans. Je suis resté moi-même dans ce que je fais en tant que rappeur. J’ai le sentiment d’avoir passé un petit step. Maintenant, j’espère que ça va se confirmer dans l’avis des gens.
LP : C’est seulement cette année que tu as été officiellement signé sur le label de la 75e Session, en sachant que tu faisais déjà partie des rangs depuis plusieurs années. Pourquoi pas avant ?
S : Avant Neige, j’avais quelques singles, mais pas de vrais projets. J’en avais sorti un avec Foulques Nera, mon premier binôme, mais c’était en 2018. On avait pas d’attente d’être signé 75, on avait juste la chance de bénéficier du studio, etc. Pas besoin de plus, juste de conseils, de confiance et de sentir qu’on pouvait le faire. C’était déjà archi bénéfique pour nous.
Pour la sortie de Neige, c’était pas officiel, mais ils m’ont accompagné en m’aidant à être un peu pro dans la sortie et me faisant bénéficier de leurs contacts. J’étais pas encore signé mais je bénéficiais déjà un peu de l’aura 75, ce qui était archi cool. Et puis, pour un label, c’est un engagement de signer un artiste. Eux, ils me connaissent, mais je suis un profil en full développement à ce moment-là et il faut être sûre de ce que tu fais.
J’étais pas encore signé mais je bénéficiais déjà un peu de l’aura 75.
Shien
LP : Quelle influence ont le collectif et plus particulièrement Sheldon, avec qui tu travailles en étroite collaboration, sur ta musique et ta carrière ?
S : Sheldon m’a donné confiance en moi quand je suis arrivé au Dojo. J’ai reçu une grosse culture de l’entourage 75. J’ai capté l’émulation d’un studio, etc. Avant, je faisais du rap dans ma chambre. J’avais pas idée de ce qu’était une vie de studio, la vie de ceux qui passent leur temps à créer de la musique et qui vivent pour ça.
Ça m’a ouvert les yeux sur le milieu, sur ce que ça représente de faire de la musique, de faire un morceau, de faire une maquette… Le fait d’être tout le temps avec des gens dont c’est la passion et le métier, ton cerveau est constamment stimulé malgré toi. Ça a été hyper formateur.
Je pense que je suis devenu un bon rappeur quand j’ai rencontré ces gens-là. Ils font tous partie d’une même école mais ils ont tous leur singularité. Ils rappent à leur manière, ils ont leur propre schéma de rimes, leur propre interprétation, leur propre style reconnaissable. Il y a ce truc où tu peux piocher chez tout le monde et c’est comme ça que ça se passe dans tous les domaines artistiques, t’ingurgites, tu transformes…
LP : Comment s’est faite ta connexion avec le collectif à la base ?
S : Via un ami commun qu’on a avec Mrman, mon ancien binôme, que j’ai rencontré quand j’étais étudiant à Bourges. Il y avait un ami d’enfance de Sheldon dans ma classe qui a proposé de nous créer une connexion. On a commencé par faire deux séances en tant que clients. De là, Mrman a demandé s’il pouvait faire un stage. Il a accepté et j’ai demandé dans la foulée. On a suivi nos deux stages et c’est comme ça qu’on a été amené à vivre là-bas pendant un an. Ça aussi, ça a participé à l’émulation dont je te parlais tout à l’heure, c’était un lieu de vie.
LP : Quand on écoute tes morceaux et qu’on découvre le documentaire réalisé par Zacharie Rofé autour de la conception de ton nouvel EP, on comprend que c’est aussi un peu l’histoire d’un artiste passionné de rap depuis toujours, influencé par la culture américaine et obstiné par la réussite. Hormis le fait que tu as été bercé par cette culture depuis ton enfance, comment tu expliques cette “obsession” pour ce pays ?
S : C’est une très grosse partie de ce que je fais, de mon identité musicale, mais ça ne se limite pas qu’à ça. Là, on s’était dit qu’on partait dessus car ça permettait d’offrir au public une porte d’entrée sur mon univers. Mais, quand je commence un morceau, je me dis pas que je vais faire un morceau « d’américain », juste que je vais faire un morceau qui me plaît.
Qu’est-ce qui fait que ça m’a influencé à ce point-là ? Je pense que c’est aussi une question de génération. Je suis né à une période où la culture américaine a pris le dessus sur tout. Mais c’est une fausse fascination. Je suis fasciné en même temps que je sais tout ce qui ne va pas dans ce pays. Ils sont pleins de paradoxes et ça me touche car ça n’existe pas d’être linéaire. C’est aussi un truc qui résonne en moi. T’as des rêves de grandeurs et en même temps c’est n’importe quoi… Ça m’a impacté dans ma manière de me construire.
Rien que le mot Obsession, je le trouvais fort. Je me suis pas dit que tout le projet devait ressembler à ça, mais ça m’a guidé sur ce que j’avais envie de faire avec.
Shien
LP : Les morceaux Flou et Obsession ont été dévoilés en amont de la sortie du projet. T’avais déjà performé sur un Planète Rap en 2022 où tu jouais le morceau Obsession, ça faisait donc un petit moment que t’avais déjà conçu ce titre. Est-ce qu’il s’agit du premier titre qui a donné le couleur pour le reste du projet ?
S : Ouais, exactement. J’aimais le morceau car il disait ce que j’avais envie de dire à ce moment-là. C’était un titre assez deep mais j’avais l’impression d’avoir été un plus performant dans ma façon d’écrire et de le raconter. Et rien que le mot “Obsession”, je le trouvais fort. Je me suis pas dit que tout le projet devait ressembler à ça, mais ça m’a guidé sur ce que j’avais envie de faire avec.
LP : Sur le projet, on te retrouve en feat avec Sheldon, Celestino & Damlif, Mrman et Robdbloc, et il a été entièrement enregistré, mixé et mastérisé dans vos studios, par Sheldon, un vrai projet conçu en famille. Comment se sont passées les collaborations ?
S : C’était très naturel. J’ai commencé beaucoup de morceaux seul, à côté, et tout le monde y allait un peu de son grain de sel lorsqu’ils passaient au studio. J’apprends un peu là-dedans et ça me permet aussi de prendre du recul car, quand ça fait des heures que t’es en session, tu sais plus si ton morceau est bien, etc. Les gens vont et viennent et j’ai kiffé que ça soit aussi collaboratif.
Le fait de commencer tout seul, ça me permet de sortir mes premières idées de mélodies et d’émotions, ça m’aide à me projeter sur le morceau. Ensuite, des membres du studio qui ont des visions différentes et plus harmoniques viennent, et ça m’aide beaucoup. Il y a beaucoup de producteurs sur les prods, on est souvent 4 ou 5. C’était pas prévu mais j’en suis archi content. C’est aussi une preuve que la musique c’est pas forcément une question d’égo, on veut juste que le morceau soit bien.
Retrouvez Shien en concert à la Boule Noire le mardi 11 juin 2024 !
Obsession est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
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