LMB : La symphonie de la Rue

Depuis 2018 et la sortie de son premier morceau Briquet LMB, raconte la vie des Pablo, le quotidien de la cité tout en symphonie. De plus en plus précis, de plus en plus efficace, le rappeur a su affûter ses flows et ses toplines au travers de nombreux singles et de 2 premiers EPs. Il est aujourd’hui prêt à se frotter à son premier long format, “Mozart”, une mixtape prévue pour le 15 octobre prochain. Avec La Pépite, il revient sur ce premier long projet et sur sa musique. 

La Pépite  : Pourquoi on t’appelle Mozart d’où ça vient ?

LMB : Ce n’est pas un truc de fou ! Ça a commencé avec des potes, un jour comme ça, on jouait à la play. Et avec mes gars, quand on commence à bédave, à boire, on appelle ça la symphonie. Quand tu planes bien, tu es sous symphonie quoi ! Du coup, devant la play ils mettaient des prods et j’ai commencé à rapper. Et c’est sous symphonie, qu’on est parti dans ce délire de Mozart, ils ont commencé à m’appeler comme ça et c’est resté.

LMB Mozart shooté pour La Pépite
Photo: @filetmon

La Pépite : Ca fait 3 ans qu’on commence à te voir, à te connaître. Depuis Briquet, tu gravis les échelons et tu as aussi affiné ton style. A quel moment tu as senti qu’il allait se passer un truc, est ce qu’il y a un morceau un cap où tu t’es dit ok là ça va le faire ça va péter. 

LMB : Quand j’ai sorti Briquet, j’étais sûr de moi. Je le faisais surtout pour le kiff, sans réellement savoir si ça allait péter ou pas. Mais je savais qu’il y avait un truc à faire dans la musique. Et puis il y a eu la signature, les gens ont vraiment commencé à me porter de l’intérêt. A cette époque-là, j’ai sorti des singles comme Candeloro ou Raikkonen par exemple qui est mon morceau qui a le mieux marché en termes de chiffres jusqu’à maintenant. 

La Pépite : C’est vrai qu’on a l’impression depuis 2019 et les morceaux comme Raikkonen, qu’il y a une patte LMB dans la voix. Depuis, on sent que tu as trouvé le bon réglage. 

LMB : Je pense que c’est grâce aux ingénieurs du son que j’ai pu me trouver. On ne s’en rend pas forcément compte mais ils font 50% du taff. Ils m’ont beaucoup apporté, notamment l’un d’entre eux, Amar, avec qui j’aime beaucoup travailler.

Avant, je me cherchais un peu et c’est vraiment lui qui a su me diriger, me conseiller, me dire “ça c’est mieux que ça”. Avec lui, c’est fluide directement, il sait comment je fonctionne, il sait ce que je veux, je n’ai même pas besoin de lui dire quoi que ce soit. Je pose un truc et il trouve l’arrangement qu’il faut tout de suite. 

La Pépite : Tu regardes un peu derrière la table de l’ingénieur du son quand même ? 

LMB : Ouais ça m’arrive même si je ne capte pas grand chose, il y a plein de boutons (rires) ! En vrai, le seul moment où je demande des choses à l’ingé c’est lorsqu’il s’agit de mes voix : lui expliquer ce que je préfère, s’il ya des petits cuts, des petits arrangements à faire mais sinon, en général, c’est fluide. 

La Pépite : En règle générale, tu composes comment ? 

LMB : Déjà, je ne peux pas écrire sans prod. La plupart du temps on m’envoie des prods, je fais le son chez moi et après je viens le poser. Parfois, il y a des beatmakers en studio et j’écris directement là-bas mais c’est quelque chose que j’ai développé avec le temps. Avant d’écrire, ça m’arrive souvent de faire des yaourts. Ça m’arrive aussi d’enregistrer des petits trucs dans mon téléphone.

Si je ne suis pas au studio et que j’entends un bruit ou que je pense à quelque chose qui m’inspire, je fais une note vocale, un petit yaourt direct pour ne rien perdre. Parce que j’ai trop la tête en l’air ! Ça veut dire que je vais être chez moi, avoir un début d’inspiration, et puis on va m’appeler, je vais faire autre chose, je vais me déconcentrer et oublier. Du coup j’enregistre tout et mes notes vocales sont pleines de mini-yaourts. 

LMB Mozart FIvio foreign
Photo: @filetmon

La Pépite : Il y a un truc qui est prégnant chez toi, c’est la mélodie, cette capacité aussi à avoir le bon flow, la bonne topline. Quand est-ce que ça a commencé chez toi ce truc de mélodie ? 

LMB : Assez tôt, je faisais des freestyles avec des potes en bas des tours et, déjà à l’époque, je sortais des petites mélos. Ça a toujours été comme ça.  

La Pépite : Il y a des scènes de rap qui t’ont particulièrement marqué qui t’ont inspiré quand tu as commencé ? 

LMB : C’est Chicago toute cette scène-là ! J’étais un fan de fou, c’était comme une série ! Bon évidemment ce qui se passait là-bas c’était plutôt triste mais je kiffais leur délire très street. A l’époque où les Chief Keef et tout ça sont arrivés, je trouvais qu’aux U.S ça tournait un peu en rond, ils ont apporté un vrai truc frais, nouveau. Ils m’ont beaucoup inspiré, surtout Lil Durk. Il est vraiment trop fort. 

La Pépite : Ce sont eux les pionniers de la drill ! D’ailleurs la drill UK ça te parle aussi ? 

LMB : J’aime beaucoup ce qu’ils font aussi ! Il y a un groupe qui s’appelle OFB (Original Farm Boyz), je me bute à leur musique en ce moment.

La Pépite : Ce n’est pas si étonnant que tu cites la drill comme inspiration, parce que dans ta musique, derrière la mélodie, il y a un côté assez sombre qui raconte la réalité des Pablo et de ce qui s’y passe. Comment tu gères ce quotidien-là ? Est ce que la musique t’aide à en sortir et à t’aérer l’esprit ? 

LMB : Bien sûr, c’est pour ça qu’à chaque fois que je suis dans la musique je me libère l’esprit je suis dans du feeling, sous symphonie. Ce n’est pas toujours simple à la cité donc quand je suis dans ma musique, j’essaie de me prendre moins la tête. Je suis dans mon truc. Du coup, je vais très souvent au studio, dès que j’ai une pensée, une envie, un truc à poser. 

La Pépite : La boisson et la beuh ce sont des thèmes qui reviennent souvent dans tes morceaux, Est-ce que tu composes toujours sous symphonie ? 

LMB : Ouais, franchement. C’est peut être psychologique mais je préfère quand je suis comme ça. Et c’est pareil, c’est un truc qui me permet de sortir de mon quotidien et ça se marie avec l’état d’esprit dans lequel je suis en studio. Dans ma tête au studio c’est le feu, je me lâche un peu. 

La Pépite : Il y a une phase que j’ai relevée dans Ca dit quoi poto. “Elle aime quand je fais tirer la mélo”. Et ce truc de faire tirer la mélo. C’est quelque chose qui mélange ce côté sombre très rue avec ce côté plus mélodie que tu as. Comment on fait pour parler d’un quotidien aussi violent avec des mélodies prenantes et parfois même douces ? 

LMB : La musique que je fais c’est vraiment ce que je vis. Et c’est dans la mélodie que je me sens le plus à l’aise. Je ne me vois pas faire autre chose, donc je le vois plutôt comme une manière de dire ce que je vis à ma façon. Ça sort comme ça. Après je sais faire autre chose, d’ailleurs il n’y a pas que de la mélodie sur le projet il y a des moments où ça kicke plus. Mais même si je peux faire des trucs bien en kickant, ma force c’est la mélodie et je pense aussi que c’est là que les gens m’attendent le plus. 

La Pépite : Tu as sorti pas mal de singles justement, avant d’envoyer deux EP assez courts, Wolfgang (janvier) à et Amadeus (février). Qu’est-ce qui t’as poussé à passer le cap de l’EP. 

LMB : Les EPs, c’était une bonne stratégie, c’était aussi une façon de montrer ce que je sais faire sur des formats courts. Je voulais donner quelque chose au public, les gens attendaient mais avec mon équipe, on était peut-être pas encore prêts pour balancer un projet long. Et puis des EPs de 5 titres, ça s’écoute bien.

La Pépite : Il y a un sujet que j’ai beaucoup entendu sur tes EPs, c’est celui des amis qui te tournent le dos avec l’arrivée de la célébrité. Est-ce que la musique ça complique les amitiés ?  

LMB : Hmmm… Oui, mais pas uniquement la musique. Je pense que le succès en général ça complique les amitiés. Il y a plus de gens qui vont te regarder… Ou plutôt qui ne vont plus te regarder de la même façon. C’est-à-dire qu’ils vont penser que tu as changé. Moi, j’ai dû faire le tri dans mon entourage, et je le dis dans mes morceaux. Bien s’entourer, c’est important. 

La Pépite : Ton prochain projet sera une mixtape, le 15 octobre un format plus long, tu as travaillé dessus comme sur tes EPs et tes précédents singles ? 

LMB : Oui, moi c’est toujours le feeling ! Je ne me prends pas trop la tête, toujours sous symphonie (rires) !

La Pépite : Tu sens un engouement autour du projet ? 

LMB : L’engouement je le sens ça c’est clair. Il y a une attente. Moi après je suis cool par rapport à ça. Ça fait longtemps que je voulais passer le step du long projet. Donc je suis plutôt excité. Là, j’ai finis de taffer dessus, c’est dans les tuyaux, je suis juste impatient que ça sorte. 

La Pépite : Il y a deux feats sur la mixtape, Fivio Foreign et Kobo. Le morceau avec Fivio, QAMS vient de sortir, ça s’est passé comment la connexion avec lui ? 

LMB : Ah c’est un bon gars, il a bien joué le jeu, franchement le couplet est chaud. Bon, il était un peu sous l’eau, il avait ses trucs à gérer mais il était dans un bon délire. Il a posé son couplet en prison. On l’a rejoint aux States, chez lui. Il revenait en direct de chez Kanye. Il nous a rejoints et on a fait le clip. 

La Pépite : Le Covid n’était pas trop gênant pour faire le voyage ? 

LMB : Un peu quand même parce qu’on pouvait pas partir d’ici directement pour aller aux États-Unis parce que les frontières sont fermées. On a dû passer par la Colombie, on y est allé deux semaines. Bon, c’était cool donc on ne va pas se plaindre non plus, en plus on en a profité pour tourner le clip de Mozart.

La Pépite : Un clip très réussi, est-ce que tu participes aussi aux visuels, t’as un pied dedans ou pas du tout comment ça s’organise pour tes clips ? 

LMB : De ouf, c’est moi qui dirige tout, je dis quand il faut refaire et tout… (rires). Non en vrai, j’ai surtout une équipe qui me propose de bons synopsis (de clip). A chaque fois, je valide parce que les idées sont folles. Pour la Colombie, on avait un super cadre donc c’était plus facile à tourner.

La Pépite : Et ta connexion avec Kobo, tu peux nous raconter comment ça s’est fait ? 

LMB : Kobo je le kiffe ouf ! Il est archi fort. Déjà, j’avais écouté Baltimore j’étais comme un fou sur ce son. Du coup, quand j’ai décidé de faire la mixtape je me suis dit que ce serait bien qu’il soit dessus. Je lui ai envoyé un message sur Instagram. Il a répondu direct. Il m’a dit que lui aussi kiffait ce que je faisais.

Du coup on est parti en Belgique chez lui. Là-bas, on a enregistré deux morceaux. Ensuite il est venu à Paris et on a encore enregistré un autre track. C’est vraiment un artiste que j’apprécie et je pense que nos univers sont un peu similaires. C’était une vraie connexion, une vraie alchimie. En plus, il y avait quand même quelques personnes qui réclamaient le feat.

La Pépite : On peut s’attendre à quelques nouveautés sur cette mixtape ? 

LMB : Le fil conducteur ça reste la mélodie, mais j’ai essayé de nouvelles choses avec peut-être un peu de morceaux plus kickés que d’habitude. Il y aura un son afro aussi.

La Pépite : C’était important pour toi de t’essayer sur des rythmiques afros ?

LMB : Important, je ne sais pas. Encore une fois, ça s’est fait au feeling, toujours sous symphonie. En fait, j’ai un ami qui fait des prods au Cameroun. On est resté en contact. Il m’a fait une petite prod afro comme ça et ça m’a rappelé plein de trucs du coup, j’y suis allé direct. 

LMB Mozart pour La Pépite
Photo: @filetmon

La Pépite : Tu écoutes beaucoup de musique afro ? 

LMB : Mais de ouf ! Erico à fond, Patron, Arafat, Debordo Leekunfa… Impossible d’écouter ça sans taper ses meilleurs pas de danse (rires) ! Ce sont des musiques qui m’inspirent beaucoup. 

La Pépite : “Mollah” que tu emploies souvent, c’est un mot qui vient du Cameroun ? 

LMB : Oui ! “Mollah” c’est du franc-camerounais, un langage de quartier là-bas. En gros, ça veut dire mon gars, poto… c’est un genre d’argo. J’ai appris ça pendant les deux ans que j’ai vécu là-bas. Ces deux années-là m’ont beaucoup apportés. 

La Pépite : Pourquoi ? 

LMB : Les gens, le cadre… Au bled tu te rends compte de beaucoup de choses ! Tu vois à quel point on a de la chance, parce que là-bas c’est la misère pour de vrai. Les gens souffrent. J’ai vu des petits de 4 ans chercher de l’argent dans la rue, parce qu’ils manquent de moyens pour aller à l’école…. Le bled c’est le bled, il faut y aller pour comprendre. Ici c’est différent. 

La Pépite : Une autre chose très importante pour toi, c’est le quartier des Pablos (quartier des Pablo Picasso à Nanterre). Pourquoi cet endroit est important pour toi ? 

LMB : Je pense que quand tu as des origines, tu en es fier. C’est là que j’ai grandi, j’y ai mes amis d’enfance, ma mère et ma grand-mère ont vécu là-bas… Ça part de loin, c’est un endroit où j’ai mes repères, mes racines. 

La Pépite : D’ailleurs dans tes morceaux on sent que c’est quelque chose qui prend presque autant de place que ta musique. Il y a souvent des parallèles entre la cité et le studio : “Parfois je vends la verte, parfois je tire la mélo, donc j’suis souvent au stud ou souvent au dépôt” (Bouteille Vide). Tu as encore un pied dans la rue. Tu veux le garder ? 

LMB : Non, faut quitter le ghetto Mollah ! Moi, je ne conseillerais à personne d’être dans la rue. Le but de tout mec de cité, c’est de partir. Je ne me vois pas élever mes enfants là-bas, dans la cité. Il y en a qui le font et qui s’en sortent. Mais entendre des coups de feu et des gyrophares tout le temps, ce n’est pas une bonne situation. C’est ce que je raconte aussi. Si t’as vraiment vu la rue, tu fais tout pour la quitter, il n’y a rien à gratter là-bas.

Propos recueillis par Lucas Désirée.

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