Certains rappeurs racontent la rue, Olazermi la vit. Produit par Ikaz Boi et sorti d’une sombre cave de Pierrefitte, Otcho le premier EP du cousin de Stavo est arrivé avec la force d’un coup de crosse dans la nuque du rap français le 29 octobre dernier.
A mi-chemin entre drill et trap. Entre règlements de comptes et shit couleur Dakatine. La musique du rappeur est un véritable mode d’emploi de la bicrave.
Des coups de téléphone incessants de l’introduction Phone Game aux Prix d’amis en passant par des go fast fulgurants 93 – Rotterdam, la logistique est infaillible pour “vesqui les tenders” et fournir les clients. Tout est mis en place afin que la pharmacie de Pierrefitte puisse tourner à plein régime. Et c’est Olazermi qui prescrit la Moula, avec un seul objectif : l’argent.
On veut le beurre, l’argent du beurre, de septembre à septembre : beurre !
Prix d’amis
Obsédé par le bénéfice, il distribue les menaces à l’égard de potentiels rivaux, des mauvais payeurs et des balances. On peut citer quelques exemples de phases particulièrement sinistres :
T’appeleras plus jamais personne si jamais t’appelles les Cops
20. Cent
On t’a raté, on poursuit le samu
Prix d’Amis
Si cette violence se retranscrit dans un rap cru et brutal, elle se ressent aussi avec des flows, des intonations agressives, couplées à la voix unique d’Olazermi : caverneuse et assez puissante pour faire grésiller vos meilleures enceintes.
“Dans le crime sans médaille”
Derrière son dévouement au trafic et sa gestion de la “pharmacie”, le rappeur subit son quotidien : il est “dans le crime sans médaille”. Méfiance permanente, couteaux dans le dos et proches partis trop tôt côtoient alors les passes et le service des clients. Des déceptions amère qui se noie dans la colère d’un Olazermi frustré :
Ces n***** m’ont déçu, j’arrive plus à pleurer je vide mon chargeur
MOR
Entre trafic, violence et mélancolie, le rappeur de Pierrefitte dresse un tableau de son quotidien aussi réaliste et terre-à-terre qu’il est effrayant.
Les codes de l’écriture Nonante
Derrière un rap brut qui peut paraître simplet aux oreilles inattentives, Olazermi développe un schéma d’écriture qui pousse l’auditeur à entrer dans son univers. Ça commence déjà avec un champ lexical attribué à son fief, le 93, notamment avec la “langue de gue”. Elle est propre à la Seine-Saint-Denis et très présente dans le rap du Pierrefitois. Cette façon de s’exprimer consiste à rajouter des syllabes en “gue” à la fin des phases. “Deux-cent” devient par exemple “deux-centguan”.
“Le compteur bloque sur deux-centguan”
Prix d’amis
Ajoutez à cela l’argot et les expressions assez personnelles d’Olazermi, comme “Punanynanynany” par exemple (qui désigne la police), et vous commencerez à comprendre son jargon.
Mais ce n’est pas tout. Le rappeur de Pierrefitte partage aussi le même univers que son cousin Stavo dont les caractéristiques sont assez similaires. A l’image du membre de 13 Block, les “nonante”et autres “nonantos” sont ainsi devenus des gimmicks qui rendent Olazermi identifiable, tout comme ses métaphores entre le milieu de la drogue ou du banditisme et celui du chantier et des travaux.
“Bave de maçon, toujours ganté sur un chantier”
MOR
Les flows sont eux aussi très particuliers avec des mots qui s’enchaînent parfois sans verbes et sans préposition ni liaison. Cette manière d’écrire simplifiée donne plus de relief et de poids à l’idée ou le sentiment qu’Olazermi veut faire ressentir à son auditeur. “Ustensile, Kalash et Tokarev” 20. Cent ou“Soupape, Ribéry, 22” sur Gain en sont des exemples.
Des images dans les mots
La dernière particularité dans l’écriture du rappeur, c’est un certain sens de la formule. Olazermi arrive parfois à dessiner des images avec sa musique. Dans MOR par exemple, l’expression “Les menottes ou Rolex” désigne en quelques mots le défi d’une opération, d’un go fast ou simplement l’enjeu de la gestion d’un point de vente de drogue : se faire passer les menottes ou s’enrichir au point de s’offrir une Rolex.
Grâce à ses quelques fulgurances et malgré un fond âpre et dur, le Pierrefittois parvient à nous faire sourire avec des phases bien senties du type “Jsuis pas venu zouker, Francky Vincent” sur 20. Cent ou “Le 6 du mois, RDV dans l’annexe, Papa Noël va vous ramener la neige” encore une fois sur MOR.
Olazermi en chef de Chantier, Ikaz Boi pour les travaux
Avec l’ovni Code 46, extrait de son projet Brutal 2, on avait déjà eu un avant-goût de ce que pouvait produire Ikaz Boi en travaillant avec Olazermi ou Stavo. Des rappeurs au style similaire, particulier que ce soit dans l’écriture, les placements ou simplement le timbre de voix, autant d’éléments qu‘Ikaz avait su exploiter au mieux.
Pour Otcho, les travaux du beatmaker sont encore une fois impressionnants. Capable de créer des prods aux mélodies de piano menaçantes pour accompagner un Olazermi féroce sur Dakatine, ou de jouer avec les éléments de ses instrus pour lui donner de l’espace dans Eau chaude, Ikaz s’adapte au rappeur de Pierrefite. Il comble ainsi des flows parfois répétitifs et introduit une touche de mélodie sur l’EP, emmenant le cousin de Stavo sur des terrains qu’il n’avait jamais explorés.
En plus de bangers efficaces, on peut donc trouver des sonorités aériennes sur Otcho avec 20. Cent par exemple ou Ikaz Boi s’essaye à quelques voix, pendant les refrains, en backant Olazermi.
Mais c’est Dans la ville qui représente le plus gros contre-pied du projet. Ce pur morceau de ride, avec une instru planante et nocturne, nous amène à découvrir un Olazermi ouvertement mélancolique, moins coléreux avec un propos plus profond, presque personnel auquel il ne nous avait pas habitué.
Avec l’aide d’un excellent Ikaz Boi, le premier EP d’Olazermi confirme les attentes d’un public qui pourrait devenir aussi fidèle que les clients de sa pharmacie. La carte de visite est efficace, les livraisons sont précises : de quoi espérer de la très bonne came pour les prochains projets du Pierrefittois.
Otcho, le premier EP d’Olazermi, est disponibles sur les plateformes de streaming
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