18h, au pied des tours nuages de la cité Pablo Picasso. Il fait déjà sombre, la nuit s’apprête à tomber. Nwarboy nous attend à l’entrée de son hall, son manager à sa gauche. Chaînes autour du cou, grillz argentées et tatouages visibles, l’artiste ne passe pas inaperçu. Une dégaine particulière pour un artiste particulier.
Si le jeune rappeur est un pur produit de Nanterre, l’un de ses pieds est tout de même sur une autre partie du monde. Loin du bitume des Hauts-de-Seine où il a grandi, l’esprit de Nwarboy divague dans les quatre coins du globe. Rap français, trap d’Atlanta ou sevranaise, drill UK, g-funk purement côte Ouest et même dancehall caribéenne.
Pour le fond : il tente de ne pas s’enfermer dans sa zone de confort tout en s’ouvrant à diverses sonorités. Pour la forme : bienvenue à Gotham City, froideur et complexité imprègnent l’atmosphère.
Ceux qui ont fêté la Saint-Valentin le 14 février vont le regretter. Vous auriez dû attendre le 25 février. Il est toujours temps de vous rattraper grâce à une balade amoureuse : « Nwarlove ».
C’est autour d’un mythique sandwich “Farmer” de l’Undergroung que Nwarboy se présente à La Pépite, revient sur ses débuts de carrière et se confie sur la conception de son nouvel EP.
LA RÉALITÉ EN MUSIQUE
La Pépite (La P) : Nwarboy, bien ? Est-ce que tu peux te présenter ?
Nwarboy (N) : Moi, c’est Nwarboy. J’ai une vision de la vie propre à moi-même. Je suis dans la réalité.
La P : Dans quelle réalité ?
N : Celle du quotidien. Il y a beaucoup de gens qui n’en prennent pas conscience, d’un point de vue vraiment brut. Moi, je suis dans cette réalité.
La P : Une réalité que tu racontes en musique ?
N : Exactement. Je suis trash dans mes textes. Je dis la vérité dans mes couplets. Et, je m’en fous de ce que les gens pensent. Ma musique je la fais d’abord pour moi. Je fais pas de la musique selon ce que le public aime pour pouvoir manger plus facilement. Si je n’aime pas ce que je fais, ça ne sortira pas. Je préfère reste réel.
La P : D’ailleurs, la musique et toi, c’est arrivé comment ?
N : Depuis tout petit, j’ai toujours écouté de la musique. Que ce soit par ma mère ou mes frères, il y a eu beaucoup de musique autour de moi. Et, pas que du rap.
La P : Comment tu retrouves à finalement faire de la musique ?
N : Au collège, on était matrixé par le rap, donc on s’y met naturellement. Nos premiers textes, c’était pour charier et rigoler. Des groupes se sont formés petit à petit, j’ai observé et j’ai attendu d’être au lycée pour me lancer. Et, à la base, nous, on était juste des mecs qui aiment beaucoup freestyler. Les ambiances, les gimmicks et les adlibs, c’est tout ce que j’aime !
La P : Tu te rappelles de tes débuts ?
N : J’allais en studio, j’enregistrais des sons. Mais j’avais pas tout à fait conscience de mon potentiel. Après avoir fait le morceau « Elle », je suis parti au bled, en Martinique. L’un de mes frères me bassinait pour que je sorte le titre, il était persuadé que ça allait marcher. Je suis très têtu, donc je ne pouvais pas y croire, fallait que j’en sois convaincu. Et finalement, je l’ai sorti et ça a été ma première réussite.
Si je n’aime pas ce que je fais, ça ne sortira pas. Je préfère reste réel.
RUE, FÊTE ET AMOUR
La P : Dans tes placements, on entend que tu t’es tué à la trap. C’est une de tes principales références ?
N : Oui, clairement. Atlanta, c’est arrivé fort dans mes oreilles avec Young Thug et Migos. 13 Block, en France aussi, ils m’ont bousillés dès Violence Urbaine Émeute.
La P : Côté atmosphère, on sent beaucoup de RNB. C’est aussi un genre musical avec lequel tu as grandi ?
N : Évidemment, j’ai été bercé par le RNB. Et particulièrement pour « NWARLOVE », j’ai beaucoup puisé dans mes références favorites. J’ai pas mal écouté de Chris Brown ou de Trey Songs.
La P : Et, qu’est-ce que tu préfères dans la musique ?
N : Je suis plus dans le délire fête, mais ghetto et détente. La rue, c’est la rue, mais c’est aussi festif. Il y a beaucoup de fêtes dans la rue. Le délire Snoop Dogg ou NWA, très ghetto en mode house party. L’ère des 90’s, c’est vraiment ma came.
La P : Dans tes textes, tu nous parles beaucoup d’amour. C’est un sujet qui te tient à cœur ?
N : Parler d’amour ? Certainement. Comme je t’ai dit, je suis une personne réelle, je te parle de tout ce qu’il se passe dans ma vie. Si j’ai des problèmes familiaux, j’en parlerai autant que mes relations amoureuses. Je dis énormément de choses dans ma musique. Je raconte ce que je vois, ce que je vis, ce que j’entends, ce que je comprends et ce que je ressens.
Je suis une personne réelle, je te parle de ce que je vis.
LE DRAPEAU PLANTÉ À NANTERRE ET L’ESPRIT VAGABOND
La P : On a remarqué que tu détonnais énormément de tes voisins rappeurs à Nanterre. Preuve d’une réelle diversité artistique dans la ville, chacun à son propre délire. Comment tu l’expliques ?
N : Je pense avoir une réponse. Il y a une vision de Nanterre, un regard extérieur que l’on pose sur ses habitants qui les rend reconnaissables, par exemple, à travers leurs dégaines et styles vestimentaires. Moi, si on me voit dans la rue, on ne va pas forcément me croire si je dis que je viens de Nanterre. Pourtant, je suis fier d’être né ici et je parle comme un nanterrien lambda. Tu me suis ? Ce que je veux dire par là, c’est que je suis entreprenant aussi. Dans ma musique, c’est mon univers que j’essaye de mettre en avant, pas celui de Nanterre, mais ça vient de Nanterre, la base vient d’où j’ai grandi. Je ne suis pas matrixé par les fantasmes que les gens peuvent avoir sur ma ville ou mon quartier. J’ai ma propre matrixe.
La P : Puis, en t’écoutant, on capte que t’as le regard ailleurs et l’esprit sur d’autres continents.
N : C’est vrai. Si j’étais un mec des States et que je devais rapper pour une ville : Atlanta, sans hésiter. Par rapport à mes flows et placements, je me reconnais bien chez Offset ou Takeoff. Être technique en essayant de placer un maximum de mots, j’aime beaucoup. Sinon, j’ai toujours eu un coup de cœur pour la Californie.
La P : Tu ne te mets jamais de barrière dans ta conception artistique ?
N : Je prends le chemin que je veux. C’est simple, si une instru façon Marseille me parle, je poserai dessus, sans forcément respecter les codes. Quelles que soient les sonorités, je rappe à ma manière. Pareil, pour la drill. D’ailleurs, je le fais sur « NWARLOVE », il y a deux prods drill, et pourtant, je ne pose pas comme le ferait des vrais drilleurs.
Je ne suis pas matrixé par les fantasmes que les gens peuvent avoir sur ma ville ou mon quartier. J’ai ma propre matrixe.
NOUVEL EP, NOUVEAU CHAPITRE
La P : Tu peux nous dire comment se passe la construction d’un morceau à la Nwarboy ?
N : D’abord, je commence par le flow et les toplines. Je travaille beaucoup la mélodie pour les bases. Après, ma méthode a littéralement changée depuis que je suis signé chez La Triade, c’est une autre façon de travailler. Quand j’étais en indé, c’était la rue hein. Dans ma tour, ça fumait en écoutant des prods en boucle, et surtout, ça démarrait toujours par un freestyle. Maintenant, je suis entouré par une bonne équipe, c’est plus professionnel et il y a une direction à suivre.
La P : En tant qu’artiste, et même auditeur, tu juges comment le fond et la forme ?
N : C’est incomparable. Le flow est une chose, le texte en est une autre. Le public a plusieurs façon de voir les choses. Une partie préféra passer du bon temps avec des bêtes de mélodies, sans prêter attention à ce que l’artiste leur dit. Tandis qu’une autre partie sera attentive aux lyrics sans prendre compte de la forme.
La P : Mais toi, dans ce duel, tu te places où ?
N : Je ne me place pas dans une catégorie précise. Pour moi, le texte est aussi important que le flow, et inversement. Par contre, j’ai plus de facilités à construire le flow.
La P : Concernant ton nouvel EP, « NWARLOVE », qu’est-ce qu’on doit en retenir ?
N : Le plus important pour moi, c’est qu’il est beaucoup plus travaillé, carré et professionnel que mes autres premiers projets. À l’époque, j’étais en roue libre. Avec ce projet, j’ai appris à travailler en équipe. Ce n’est pas mon EP qu’à moi tout seul.
La P : Pour finir, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter ?
N : J’ai pas forcément d’objectifs dans la musique. Je ne vise pas de certifications précises. Je fais de la musique pour faire de la musique. Et tout ce que je sais, c’est que j’aime ça. Le temps nous le dira pour le reste.
La P : Une dernière chose à retenir ?
N : La divise. « NWARLOVE » dans le cœur des femmes et dans le cul des bitch.
Retrouvez notre dernière sélection des clips de la semaine !