Lover boy originel, Tawsen nous délivre hit sur hit depuis 2018. Après une longue impasse de deux ans sans pouvoir sortir de musique solo, il revient plus déterminé et fort que jamais. En juillet il nous propose Ne3ne3 Radio, un EP de cinq titres et poursuit depuis avec un rythme soutenu de minimum un single par mois. Sa ténacité se ressent et on ne peut qu’en être contents, car oui, il nous avait manqué. Aujourd’hui, il savoure sa liberté, souhaite se concentrer pleinement sur sa musique et a hâte de retrouver son public ce samedi 26 octobre pour une date unique à La Cigale où il interprétera pour la première fois son dernier single “Ma beauté”.

Ton dernier EP Ne3ne3 Radio est sorti en juillet. C’est le “premier” projet que tu sors depuis 2021, comment tu te sens ?
C’est un mélange de beaucoup de sentiments. Un sentiment de liberté : je peux redonner des formats plus réfléchis aux gens et non juste des singles ou des clips donc évidemment, très heureux d’être de retour. En même temps, il y’a de la fatigue parce qu’aujourd’hui, tout est indépendant. Je suis en distribution sèche donc pour la création, l’écriture du son, le placement, la distribution, la mise en playlists je suis là. C’est une nouvelle expérience que je fais. Dans mes précédents projets, il y’avait plus de personnes. Je faisais ma musique puis je disparaissais et on m’appelait pour me dire “on va faire une release, viens faire le beau gosse”.
Tu as créé ton propre label Such a Wonderful Time (SAWT) en 2023. Est-ce que c’était en réponse à la période où tu n’avais plus le droit de sortir de la musique, pour te protéger, ou c’est quelque chose que tu aurais voulu faire dans tous les cas ?
Ce n’est pas forcément une réponse à ce que j’ai vécu. J’ai commencé à faire de la musique très jeune, sans aucune expérience musicale et surtout sans aucune expérience du business. Mais très vite j’ai réalisé que c’était une “industrie” musicale.
Je regarde énormément d’interviews d’artistes et un point commun qui revient souvent est la découverte du côté business par les artistes. Chacun le découvre à un moment ou un autre de sa carrière. Cette idée me trottait donc dans le cerveau et est présente depuis mon troisième EP en 2020. Tu as forcément envie de mieux comprendre et maîtriser ton art. Les circonstances ont fait que c’est devenu plus sérieux et nécessaire. Mais l’envie derrière, d’indépendance, était déjà présente.
C’est une envie qui est de plus en plus courante chez les jeunes et nouveaux artistes qui souhaitent se responsabiliser plus tôt.
Aujourd’hui, malheureusement ou heureusement, ça, je ne sais pas mais grâce à Internet n’importe qui peut ouvrir un label. N’importe qui peut faire un album. Il y’a des médias qui vulgarisent un peu l’industrie, la rendent plus accessible et compréhensible. Il y’a aussi plein d’artistes qui voient les erreurs de leurs amis ou d’autres artistes et qui essayent de faire mieux. On va vers quelque chose de beaucoup plus maîtrisé, beaucoup plus “business” et pour moi c’est tant mieux. C’est mon moment pour être en mode sérieux.

Pendant deux/trois ans tu ne pouvais plus sortir de musique solo et tu as donc dû faire beaucoup de feats. Est-ce que tu peux me parler de la différence du processus de création et d’écriture dans ce cas versus quand tu sors des sons solo ?
Je ne pouvais pas sortir de morceaux, l’enjeu était donc de faire en sorte qu’on ne m’oublie pas. J’ai fait pleins de feats à droite et à gauche, plusieurs ne sont jamais sortis. Quand je regarde mes morceaux ou mes clips, je reconnais dans la DA visuelle ou les choix des prods que c’est moi. En feat, surtout quand tu es invité, tu dois te plier à la DA de l’autre. Il faut accepter que ce n’est pas ton morceau, essayer de comprendre la vision de l’autre et mettre son égo de côté. Mon but n’a jamais été de plier l’autre, d’être plus fort. Moi, mon but c’est de faire des gros morceaux, de faire des bangers. Donc il faut trouver la bonne balance avec l’autre artiste pour faire un bon mariage.
Pendant cette période est-ce que tu continuais à écrire de ton côté ? Malgré tout, est-ce que cette période t’as permis de maturer artistiquement ?
Totalement. C’est comme ça que je le vois, surtout aujourd’hui avec du recul. J’estime que ça a été plus positif que négatif. Négatif dans le sens où j’ai perdu trois ans de ma vie et énormément d’argent. Mais positif car j’étais libre. J’étais bloqué, certes, mais personne ne m’attendait. Je me posais avec mon pote Fab qui est comme mon bras-droit aujourd’hui, je lui disais “Viens on fait ce qu’on veut parce que ça ne va pas sortir, viens on s’amuse”. Je ne dois rien à un label, je ne dois rien déposer, rien promouvoir. J’avais oublié cet état d’esprit. Aujourd’hui j’ai pu tester énormément de choses et je suis une version beaucoup plus forte de moi-même.
Tu avais 18/19 ans quand tu as commencé la musique, assez jeune, comment tu as débuté ?
Par accident ! J’ai toujours chanté à la maison et au fond de la classe. Au lycée, on allait avec des gars de ma classe à la maison des jeunes. Il y’avait un micro, on se posait, on écrivait, on rigolait. On était quatre actifs et j’étais le maître Gims parce que je faisais les refrains. À la fin de la terminale, tout le monde est parti faire ses trucs de son côté et moi j’ai continué seul et je me suis retrouvé à faire des millions de streams.
Est-ce que tu es du genre à écouter une prod qui t’inspire à écrire ou tu écris d’abord ?
Je ne suis pas du genre à marcher dans la rue en me disant “waouh, putain, j’ai un sale texte”. Je dois d’abord avoir une prod parfaite. Mon but dans la musique, c’est d’être international et de toucher un maximum de gens, d’écrire de la musique populaire qui va être chantée par le public. Je co-compose presque tous mes morceaux. Je suis actif au mixage, actif à la prod, actif à l’écriture, actif à l’enregistrement. Je me pose à côté du beatmaker, je ne suis pas au fin fond du studio, je suis à côté de lui et je lui dis « non, cette note-là, je n’aime pas, cette gamme-là, il faut la monter » parce que j’ai une idée derrière la tête et j’ai besoin que la prod m’accompagne parfaitement. Pour moi, la prod c’est 60% du travail.
Tu écoutais de la musique arabe traditionnelle plus jeune ?
Oui et non. J’en écoutais énormément quand j’étais en vacances. Sauf qu’on ne partait pas deux, trois semaines mais trois mois où ton oncle écoute Nass el Ghiwan, Mohamed Rouicha ou Zina Daoudia. C’est un soundtrack de vacances qui s’est imprégné en moi sans que ce soit forcément recherché ou voulu.
Ça a influencé ta manière de chanter et de faire de la musique ?
Ça m’a naturellement beaucoup influencé, y compris dans la manière de chanter car j’ai facilement une voix qui tend vers ce type de sonorités, de notes. Il y’a eu un mélange entre la pop que j’écoutais plus jeune et la musique arabe que j’écoutais en vacances et ça a créé les new arabes. Aujourd’hui les artistes rebeus sont à la mode, mais il y’a cinq ans quand je venais avec mes projets Al Warda ou Al Mawja on me faisait des blagues, on me disait “Ah, t’es le nouveau Cheb Khaled”. C’était une musique tournée à la dérision, aujourd’hui c’est pris au sérieux et tant mieux.
C’était quoi l’idée derrière le concept de « Ne3ne3 Radio » ?
C’est un cadeau. Tu bois un verre en terrasse, tu mets le morceau avec Ataypapi. T’es en voiture direction Casablanca, tu mets le morceau avec Danyl. T’es en mode dépression, ton chéri te manque, tu mets le morceau avec Ayoub. C’est une radio, je mélange tout, je ramène un rebeu d’Allemagne, un rebeu d’Espagne, je fais un morceau house dansant, un morceau rebeu…
D’ailleurs sur cet EP si on ne compte pas l’intro, trois titres sur quatre sont des feats.
Quand j’ai commencé ma carrière j’ai sorti trois projets de dix titres chacun. 30 morceaux en tout avec zéro feats. Mais c’est ennuyant. Aujourd’hui, je préfère un featuring. Surtout si ça vient de moi et ma DA. C’est très américain, d’un point de vue business c’est intéressant car tu attires ton public mais aussi le public de l’autre personne. Artistiquement, l’autre personne va ramener quelque chose que tu n’as pas. C’est une réflexion plus large qui implique plus de cerveaux. Au départ il devait y’avoir cinq morceaux dont l’intro et un seul feat. Mais au final, j’ai préféré retiré deux morceaux en solo et j’ai rajouté les morceaux avec Danyl et Ataypapi.
Sur le dernier EP lequel est ton son préféré ?
Automatiquement, j’allais répondre Dawini car il fonctionne bien mais c’est biaisé. Je pense que j’ai un pourcentage d’amour supplémentaire pour Sokkar. Il y’a deux ans, tous les labels voulaient l’acheter mais j’ai voulu le faire seul.
Le 26 octobre c’est ta date unique à la Cigale. Est-ce que tu as hâte de retrouver ton public ?
Évidemment. Après, mon public, ce qui est marrant, c’est que je le croise tout le temps. Je ne suis pas du genre à me cacher dans ma grotte. J’essaie toujours d’avoir un contact, d’envoyer des vidéos, de rigoler. En tout cas j’ai hâte qu’ils me revoient et je veux proposer quelque chose d’assez cool, que ce soit musicalement ou visuellement.
C’est une date 100% indépendante, donc il y’a cette pression. J’ai envie que les gens se disent “Ah, waouh ! Il nous a manqué. Il nous a donné quelque chose de cool. Et maintenant, 2025 va être son année.”
Et de manière plus générale ça représente quoi pour toi la scène?
Pour moi c’est la meilleure partie. Ça dépend des artistes. Certains se disent “Moi, ce que j’aime, c’est le petit bar. C’est le petit truc. C’est le fait d’avoir 50 personnes devant moi. C’est les regarder dans les yeux.” Non. Moi, je veux faire des stades, je veux entendre tout un stade chanter. C’est ce qui m’anime. J’ai fait beaucoup de grosses dates au Maroc où j’ai eu la chance de chanter devant 30 000 personnes, 40 000 personnes par-ci, par-là, dans des festivals. Ça permet d’encore mieux travailler ta création musicale qu’au studio. Quand tu n’as pas cette expérience là, tu ne sais pas forcément quelle énergie donner dans le refrain, quel groove donner etc mais voir le public chanter t’aiguille.
Ça a dû te faire chaud au cœur, les dates au Maroc.
Oui, surtout que la première date était à Casablanca. Ça fait six ans que je fais de la musique mais sur les six ans il y’a eu deux ans de Covid et deux ans où j’étais bloqué. Donc techniquement, je suis encore jeune. Quand tu arrives quatre ans plus tard et que tout le monde chante tes sons à Casablanca, tu te dis “Wesh je suis quelqu’un”.
Après la sortie de cet EP, quelle est la suite ?
Pour le moment ce qui est cool avec le fait d’être indépendant, c’est de faire ce que je veux. Il y’a pleins de titres qui vont sortir, des feat, des remix, peut-être un autre projet. Là, j’ai vraiment faim, ça dépendra un peu du mood des gens, de mon mood, mais la musique, elle est là, elle est prête et on va juste essayer de bombarder un maximum. Mon prochain album aura une touche plus artiste et plus expérimentale.
Une pépite à nous recommander ?
Yvnnis c’est ma pépite du moment !
Ne3ne3 Radio est disponible sur toutes les plateformes depuis juillet 2024