Chat noir: “FERME LES YEUX”, une ode à l’impasse

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Paraît-il que la nuit tous les chats sont gris. Le proverbe signifie que dans l’obscurité les différences s’effacent et la singularité se fait rare. Formes et couleurs disparaissent et se fondent dans un paysage cendré. Pourtant dans la confusion des pelages, l’un d’eux retient notre attention, c’est celui de Chat noir.

Pile un an après la parution de son premier morceau, l’artiste du Parc aux Lièvres à Évry dans le 91 dévoile en février dernier son premier projet intitulé « FERME LES YEUX ». Une carte de visite de 9 titres dans laquelle le rappeur nous dévoile sa plume poignante et se confirme sur le créneau d’une trap obscure et brumeuse qui saura saisir les adeptes de mélancolie.

Chat noir ferme les yeux une ode à l'impasse — *(Crédits : @vu.par.jeunexx)*

Quand la poisse s’empare d’une plume

Mélodies des quartiers pauvres racontées sur des pianos-voix, on y apprend que les trahisons existent encore et que l’argent ne comble pas. Plusieurs thèmes reviennent, notamment l’idée d’impasse et le manque de chance, porté par son nom, Chat noir. Une seule issue: la quête de l’argent avec l’utopie qui suit : celle qu’il résoudra tout. La problématique de l’insatiabilité et du toujours plus. L’alcool comme palliatif. Le temps qui passe. Vouloir partir mais faire le tour de la même zone, marcher sur les mêmes morceaux de verre, encore et encore.

Ma haine au micro, j’vois la misère dans un cul de sac
MAILLE

« Y’a de quoi péter un câble sur la tête de oim » sont les mots qui introduisent le projet sur « AVENIR ». On n’aurait pas pu mieux dire : l’instrumentale qui accompagne la phase vous évoquera sans doute un souvenir lointain et que sais-je amer puisqu’il sample « André » de Guizmo. Le morceau change de ton sur ces mots « J’vois plus les anges plus rien d’intéressant » et embraye sur un changement de prod habitée par une voix féminine presque dédramatisante.

Les anges les et les voix

Les anges et les voix habillent le projet dès le second morceau « QUELQU’UN » où l’on entend à nouveau, quelqu’un. On ne sait pas qui sont les voix mais on peut savoir qui sont les anges. Chat noir nous en parle dans « ANGE DE GAUCHE ». Il est dit dans l’Islam que nous avons 2 anges qui accompagnent nos vies : celui siégeant sur l’épaule droite, qui recense tous les bienfaits accomplis au cours de notre temps passé sur terre, et l’ange de gauche, posé sur l’épaule qui lui donne son nom, qui voit les méfaits. Le morceau raconte les péchés qu’on banalise et qui font partie du jeu, malgré nous: « L’Ange de gauche qui pillave à haute dose ».

Vision nocturne

Chat noir nous dessine son monde avec un réalisme absolu et un prisme en vitre teintée : pessimiste mais pas défaitiste pour raconter un quotidien tâché. Malgré les vestes réversibles et leur cuir lacéré par les couteaux dans le dos et autres lames anonymes, une éclaircie se laisse parfois voir entre ses lignes. On est néanmoins vite rattrapés par la réalité, comme s’il ne fallait pas clamer les notes positives trop haut, de peur d’assourdir les autres chats de la ville. Comme le dit l’artiste « Paraît que la nuit porte conseil c’est faux la nuit rapporte l’oseille c’est tout. »

Seulement, le projet s’achève sur une note de résilience : « j’me dis que c’est normal» sont les derniers mots de Chat noir sur « FERME LES YEUX ». La double définition du mot est ici parlante puisque la résilience signifie à la fois la valeur caractérisant la résistance au choc d’un métal et la capacité à surmonter les chocs traumatiques. Ses derniers mots se noient dans des échos de voix devenus presque familiers. On entend des bourdonnements parasites de talkie walkie qui se mêlent à des bruits du quotidien, jusqu’à ce que notre attention se fixe sur l’électrocardiogramme. Quel autre tintement pourrait mieux illustrer l’attente de la fin du comas? Qu’arrivera-t’il après les drames? Arrivera-t’il à sortir de l’impasse? L’outro éponyme du projet nous laisse sur note d’espoir, une lueur post-chaos qui élève le propos, comme une montée au ciel ou une ode à la vie.