Quiconque entend l’expression “faire un temps calme” repense aussitôt à ses souvenirs d’enfance, et le rappeur Virgile nous en a rappelé plus d’un. En classe comme en famille, ces instants où régnait le silence nous invitaient à l’apaisement, à l’imagination, parfois même au rêve. Les plus chanceux se souviendront encore des contes et légendes qui berçaient occasionnellement ces moments paisibles.
L’enfance consumée, ce “temps calme” devient moins naturel, nos occupations et obligations ne laissant plus la place à un tel lâcher-prise. Rares sont les occasions de se poser pour s’écouter et faire le point sur sa vie. Virgile, lui, a fait cet effort, duquel en est ressorti “TEMPS CALME”, un EP de sept titres explorant les états-d’âme qui l’ont sans doute traversé des semaines entières.
Lui aussi s’est remémoré son enfance lors de ce voyage introspectif. Bien plus qu’une allusion, c’est sa safe place. Il n’y a qu’à voir la cover de l’EP pour en juger : on le voit enfant, souriant et épanoui aux côtés de son grand-frère. Sur la photo scotchée au mur débordent les mots “temps calme” écrits au feutre rouge, comme s’ils décrivaient des années plus tard ce moment capturé.
Mon coeur a noirci ça m’fait peur, il faut le re-colorier
PREMIER RÔLE
Un temps calme particulièrement mouvementé
Si Virgile se réfère autant à son enfance, c’est parce qu’en opposition, être adulte comporte son lot de questionnements inévitables. “J’suis rempli de doutes, est-ce que c’est mort ? Est-ce que je vais y arriver ?” se demande-il dans les premières secondes de “PREMIER RÔLE”. Sur le piano mélancolique du beatmaker Slowdy, on y découvre un jeune homme décontenancé, parfois très dur envers sa propre personne. Ce disque devient un exutoire, un réceptable de tout ce qu’il rêvait de se dire. Au fil des minutes se brisent les parois des “4 MURS BLANCS” : l’auditeur découvre, Virgile, lui, se redécouvre.
C’est comme si Virgile se regardait sans pour autant se comprendre, en pointant du doigt ce qu’il n’accepte pas chez lui. Il en ressort une personne apathique, un “loser” néo-alcoolique qui ne “[sait pas aimer, ni souffrir]”. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il paraît naturel d’interpréter la montée instrumentale électronique tempétueuse du titre “4 MURS BLANCS”, signée Princess.
Au fond ça va jamais mieux, mais c’est pas ça que je laisse transparaitre
77 R6 CHROME
Un arc-en-ciel plein d’espoir et de confiance
Virgile prétend voir “[son] album comme un pansement” mais qu’en est-il vraiment ? Un pansement masque les déchirures et laisse le temps agir pour mieux les résorber. Or, le jeune homme n’est pas décidé à laisser quiconque autre que lui faire les choses. C’est à lui que doit revenir la responsabilité de panser ses plaies, parce qu’il ne “va pas faire des sons tristes toute sa vie” (“PREMIER RÔLE”).
Alors, Virgile se remémore tout ce qu’il a accompli jusqu’ici et ce qui lui donnera confiance pour la suite. Auparavant membre du duo B-NOM, Virgile a déjà accumulé des centaines de milliers – voire millions – de streams. B-NOM, c’est aussi trois beaux projets et, pour l’anecdote, une apparition sur notre mixtape “CITÉS D’OR” avec le titre “HOOD”.
Virgile sait qu’il a les épaules et l’expérience pour se construire, d’autant plus qu’il accepte d’être devenu un jeune adulte. Un jeune homme qui, au passage, n’a aucune pudeur à ouvrir son cœur face à l’auditeur. C’est peut-être ça la première phase de l’exercice, car “être un homme, c’est grandir et assumer ses peurs” comme il le déclare sur l’intro du projet.
J’ai les mots, j’ai le sabre, j’ai la rhétorique
ZONE D’OMBRE
Embourbé dans sa routine francilienne, théâtre de ses errements, Virgile l’est pourtant bien moins dans ses songes. S’il a repris du poil de la bête, il lui est alors permis de rêver. En regardant les astres, tout lui semble plus net : il veut fédérer, concrétiser et jouer dans les plus grandes salles parisiennes. La tempête s’en est allée au profit de l’arc-en-ciel, le temps est à nouveau calme.
Les proches, un paratonnerre qui donne des ailes
Évoluer, c’est aussi s’entourer des bonnes personnes, celles qui croient en nous. Virgile n’a pas de quoi douter sur ce point, en témoigne la voix de sa mère s’immisçant sur l’intro et dont on discerne les mots suivants : “Je suis trop fière de toi, trop fière”. Quant à son père, le voilà “fier quand il voit ses deux fils”.
Le disque ne serait pas le même sans la présence d’Amine, second membre du duo B-NOM. Même si les artistes ont chacun lancé leur carrière musicale solo, mettant leur aventure commune entre parenthèses, ils restent très intimement liés. Sa voix, que l’on reconnaît sur deux titres, rappelle à quel point on aime l’alchimie entre les deux frères d’armes. La prod sombre et hivernale de Lil Chick leur permet d’ailleurs d’exécuter une magnifique performance de rap sur le titre “77 R6 CHROME”, Alors non, pas forcément question de séparation lorsqu’un duo s’arrête, car ici c’est “B-NOM enfoiré, à l’infini” (“PREMIER RÔLE”).
Si le V m’fait la passe D, j’ai plus qu’à la mettre
ZONE D’OMBRE
Avant de clore cette chronique, ne ferait-on pas un tour dans la playlist de Virgile ? On vous laisse donc avec ses quelques précieuses recommandations : “J’écoute Nas et Kyana, Amin B-NM” (“ZONE D’OMBRE”).
« TEMPS CALME » de Virgile est toujours disponible sur toutes les plateformes de streaming.