La nuit tombée, la capitale se mue en “ville lumière”. Mais chez Dave Wayne -dit MadeInParis– cette lumière est tamisée, réduite au minimum. De telle sorte que la silhouette de ses muses se révèle sous l’éclairage d’une lune flamboyante.
C’est que cet ancien ingénieur son pour Aya Nakamura a le sens du détail : très imagé, son rap aussi torride que nonchalant est sublimé par une voix de velours et des productions satinées. A l’occasion de la sortie de sa première mixtape intitulée Voulez-vous coucher avec moi”, La Pépite l’a rencontré.
Dave, comment ça va depuis la sortie du projet ?
Ça va très bien. Je suis très heureux des retours. Et puis la release du projet était une soirée mémorable. Je ne vais jamais l’oublier.
Tu as présenté Voulez-vous coucher avec moi comme ta première mixtape alors que tu as sorti plusieurs EP avant. En faisant ça tu voulais acter un nouveau step dans ta carrière ?
Oui totalement. Je me suis beaucoup cherché à travers mes anciens projets. Mais Voulez-vous coucher avec moi c’est la confirmation de mon identité. Je voulais prouver mon évolution au public, leur montrer que j’ai passé un cap et que désormais, je prends la musique très au sérieux.
Ce n’était pas le cas avant avec ton EP Quel beau jour pour mourir ? Il représente quoi ce projet pour toi ? Quel regard tu portes sur lui aujourd’hui ?
Cet EP c’est un peu le commencement de tout ce que je suis aujourd’hui en tant qu’artiste. Il m’a permis de comprendre pas mal de choses sur moi. Ma manière de m’exprimer, mes goûts, ma direction… Mais c’était surtout le projet de la dernière chance. On était fin 2020 et je commençais à douter de mes capacités à aller plus loin dans la musique. Donc je me suis dis que c’était maintenant ou jamais. Le titre fait référence à cette mentalité d’ailleurs. “Quel beau jour pour mourir !”, sous-entendu : si ça ne marche pas, j’arrête tout, je m’en vais sur une proposition dont je suis fier. Mais heureusement ça a pris !
La nuit. La plupart des gens pense que c’est un temps fait pour dormir mais pour nous, les artistes, c’est le moment où on travaille. Ça nous inspire.
Dans le projet, il y a vraiment une alternance de sons nocturnes (Préliminaires, Sentiments, Kamas…) et solaires (Baby, Serein, Euphoria…). Toi tu préfères vivre le jour ou la nuit ? Pourquoi ?
La nuit. La plupart des gens pense que c’est un temps fait pour dormir mais pour nous, les artistes, c’est le moment où on travaille. Ça nous inspire.
C’est quoi ton son préféré du projet ? Pourquoi ?
Je pense que c’est “Jeux Dangereux” avec mon gars Lestin. C’est le plus réussi selon moi. L’atmosphère est dingue. Sa partie et la mienne s’imbriquent parfaitement. J’en suis très fier.
L’esthétique de tes mixtapes renvoie à des symboles d’élégance et de sensualité comme le Moulin rouge, le Champagne et jusqu’à ton blaze «MadeInParis» en référence au film de 1966 qui se déroule dans la capitale de la mode. Les titres de tes sons aussi qui font souvent référence à des marques de luxe comme Dior, YSL, Prada, Chanel… L’élégance c’est important pour toi ?
A vrai dire je ne suis pas particulièrement attiré par l’univers “fashion”. Par contre j’aime dégager ce délire à travers mes sons. Autrement dit, je ne suis pas fan du luxe mais j’apprécie ce que le luxe peut apporter à ma musique. Donc le fait que j’en parle ne veut pas forcément dire que j’en porte. Simplement, je donne envie aux gens qui aiment bien s’habiller de m’écouter et qu’ils retrouvent ce goût pour l’élégance dans mes sons.
Qu’est-ce qu’elles représentent cette lune et cette silhouette féminine sur toutes tes covers ?
J’ai pas donné un sens particulier à ce motif, je trouve ça beau tout simplement -ça doit être mon œil d’ancien graphiste… Pour moi, le soleil couchant et l’ombre de la femme se complètent. C’est un tout. L’ensemble est beau à regarder mais aussi à écouter. C’est une image qui traduit bien la vibe de ma musique.
Je ne suis pas particulièrement attiré par le luxe mais j’apprécie ce que le luxe peut apporter à la musique
Dans quel état d’esprit t’étais pendant l’enregistrement du projet ?
La dalle. J’avais faim. Je voulais vraiment passer un cap. Il fallait qu’on voit qui on est. Que lorsqu’on entre dans une pièce, on se rappelle de nous.
Comment t’enregistres en général : tu trouves la prod avant le texte ou bien l’inverse ?
Moi, je pars toujours de la prod’ et je topline la structure. J’écris les paroles par-dessus et à la fin y a juste à mixer le son. Tout est déjà en place : les ambiances, les notes… C’est une petite science.
Le désir d’évasion est très fort dans tes morceaux. Dans “Jeux dangereux” tu dis “On ira là où on voit la vie en bleu” ou encore “Viens on quitte tout de suite le pays, j’ai déjà les billets” dans “Serein”. Ce serait quoi toi ta destination de rêve ?
Seul, j’aimerais partir dans les pays nordiques et voir des aurores boréales. Ça a l’air d’être un paysage unique. Les montagnes en Suisse m’attirent pas mal aussi. Avoir des vues comme ça c’est une bouffée d’oxygène quand t’es artiste. Mais si je devais partir avec quelqu’un, comme tout parisien qui se respecte, j’opterai pour une virée sur les Champs la nuit (rires). Y a rien de mieux !
T’as des activités ou des passions à côté de la musique ?
Seulement la musique ! Je me concentre que là-dessus. Nuit et jour, h24. On s’amusera plus tard : la détente n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’instant, c’est le charbon, rien que le charbon.
Pour moi, le soleil couchant et l’ombre de la femme se complètent. C’est un tout. L’ensemble est beau à regarder mais aussi à écouter.
Les thèmes de l’argent, du sexe, et de la drogue sont omniprésents dans tes sons. Mais si dans ta vie tu devais garder en qu’un des trois tu choisirais quoi ?
L’argent. C’est un atout très important. T’as beau avoir tout pour toi, tout ce qui compte c’est tes finances et ton statut.
Comment toi tu qualifierais ta musique ? C’est quoi l’univers MadeInParis ?
Ça peut se résumer en deux mots : chic et luxure. Le but c’est de créer une ambiance qui m’est propre. Drake a réussi à faire une musique qui lui ressemble. Aujourd’hui, en écoutant certains sons, on ne dit pas que “ça ressemble à un morceau Drake” mais plutôt que c’est “DU Drake”. De la même façon, je veux faire en sorte qu’on écoute “DU MadeinParis” et pas simplement “un son de MadeinParis”. J’essaye vraiment d’imposer un thème, une couleur sonore et de l’incarner le mieux possible.
On s’amusera plus tard : la détente n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’instant, c’est le charbon, rien que le charbon.
Justement tu cites souvent Drake mais aussi Partynextdoor, The Weeknd et Travis comme tes influences. C’est eux qui t’ont inspiré à faire la musique que tu fais aujourd’hui ?
Je ne me suis pas vraiment intéressé au contenu de leurs textes ou à ce qu’ils dégagent eux-mêmes. Mais c’est sur le plan technique que j’ai beaucoup appris d’eux, en particulier sur le traitement de la voix. Il y a tellement de détails ! J’ai compris que la voix c’était un instrument en soi. Que je pouvais y apporter un aspect chic et pas seulement à travers la prod. Parce qu’il faut bien comprendre que Travis n’est rien sans Mike Dean. En termes de mixage, il est trop fort. Ce type est un ovni, il a vraiment une vision. Quand je l’ai découvert en 2012 avec Owl Pharaoh [première mixtape de Travis Scott, ndlr], il y a des effets qu’on avait absolument jamais entendus. Je pense que c’est ça qui m’a donné envie de devenir ingé [ingénieur du son, ndlr] et d’apprendre à créer un son à part entière.
T’es arrivé en France à l’âge de 10 ans. Avant tu vivais sur l’île de Saint Martin, dans les Antilles néerlandaises. C’était comment ton enfance là-bas ?
C’était cool ! J’étais avec ma famille, mes parents, mon grand frère, mes sœurs… Mais j’ai connu la galère en arrivant en France. S’installer dans un autre pays, c’est jamais simple, surtout quand on débarque sur un autre continent. Le changement a été brusque et radical. J’ai mis un an pour m’adapter. J’avais pas de référentiels puisque ma famille est restée vivre à Saint Martin. Ce que je vis à Paris, je l’apprends seul. C’est à moi de me donner mes propres conseils et de les suivre.
La langue française est très riche mais c’est important pour moi de garder de l’anglais dans mes sons. Ça fait partie de mon identité.
Au départ, tu rappais et chantais en anglais qui est ta langue natale. Pourquoi avoir finalement choisi de poser en français ? Qu’est-ce que ça change pour toi ?
Parce que ça marche ! J’ai davantage de retours. Au début, je ne voulais pas comprendre, j’étais têtu. Je me voyais déjà péter en mode “l’artiste français qui cartonne aux States”. Mais rien du tout ! (rires). En six mois je fais 20 000 streams sur mon premier EP. Alors fin 2019, je sors un petit projet en français pour voir ce que ça donne. Résultat je fais mes 20 000 en streams en quatre semaines. C’est là que j’ai eu le déclic. Mais pour autant c’est pas si facile : la langue française est très riche. J’améliore toujours mon champ lexical et ma façon de m’exprimer. Je sens l’évolution depuis Vide, mon premier EP. Et cette maîtrise arrivera à son terme pour le premier album. Pour autant, c’est important pour moi de garder de l’anglais dans mes sons. Ça fait partie de mon identité.
Les morceaux “Jeux dangereux”, “Euphoria”, “Baby” et “Kamas” ont une teinte afro. C’est quelque chose que t’écoutes ? Quels artistes en particulier ?
Ouais j’écoute beaucoup ces sonorités là, notamment les Burna Boy et Wizkid. Quand j’ai découvert “Ye”, j’ai compris qu’il se passait quelque chose. Du coup, j’ai des idées de rythmiques qui me viennent naturellement. Mais j’essaye pas de faire comme eux, plutôt de refaire ça à ma sauce.
Capitaine Roshi, Luidji, Squidji, Lestin. Pourquoi c’était important pour toi de les avoir eux sur le projet et pas d’autres ?
C’est des gars avec qui j’avais déjà un lien. J’ai appris à les connaître avant qu’on fasse de la musique ensemble. J’ai bu un verre, parlé, fumé avec eux… C’est important pour moi de partager ces moments là pour que, lorsqu’on commence à travailler, la connexion soit fluide. Je privilégie toujours l’humain car je veux que ma musique soit la plus naturelle possible.
Qu’est-ce que t’écoutes beaucoup en ce moment en France ?
Je respecte beaucoup Ninho, j’aime comment il force les rimes. Des fois ses lignes n’ont pas les mêmes terminaisons mais il va quand même appuyer dessus. C’est pas forcément ce qu’il dit mais la manière avec laquelle il le dit. Je trouve ça chaud. Ziak aussi. Son intonation et ses placements. Il a réussi à ramener le flow uk en France. C’est du jamais vu ! Et même si son personnage est beaucoup critiqué, un moment donné, c’est la musique qui parle avant tout.
Dans la vie, on ne peut jamais tout accomplir seul : il faut avoir une équipe avec soi même si on reste seuls face à ses propres problèmes.
Dans “Merci beaucoup” tu racontes avoir été trahi par des amis pour des femmes ou de l’argent. Dès l’intro tu dis aussi que “tu ne tolères pas la trahison”. Finalement, pour toi la seule personne personne en qui on peut avoir confiance, c’est soi-même ?
Dans la vie, on ne peut jamais tout accomplir seul : il faut avoir une équipe avec soi. Mais il ne faut pas oublier qu’on est seul face à ses propres problèmes. C’est un équilibre à respecter : avoir de l’assurance c’est bien mais on n’est pas seul au monde donc il ne faut pas trop s’enfermer. Le secret c’est d’avoir un petit entourage dans lequel on a confiance.
Tu dis aussi dans le morceau que tu n’as pas “envie que tout le monde sache à quoi ressemble ta maison”. C’est ta manière à toi de dire “pour vivre heureux, vivons cachés” ?
Dans la musique, on est souvent amené à raconter des choses personnelles. C’est pas si mal de se dévoiler un peu. Simplement il faut en montrer une partie mais pas trop. Il faut conserver sa vie privée. Car si on va trop loin, des gens malveillants peuvent déceler nos faiblesses et les utiliser contre nous.
L’amour c’est pour tout le monde mais à n’importe quel moment de la vie
Est-ce que c’est pour ça que tu as peur de t’attacher en amour, comme tu le dis dans “Binks” avec “Y a pas vraiment de place pour de l’amour dans ma vie” ou dans “Sentiments” dans lequel tu demandes à cette fille que tu vois d’être “réaliste” ?
Je ne dis pas que l’amour c’est pas pour moi. L’amour c’est pour tout le monde mais à n’importe quel moment de la vie. Il y a ceux qui sont prêts à trouver la personne qui leur correspond et ceux qui ne le sont pas. Aujourd’hui, je n’ai pas de place pour quelqu’un d’autre dans ma vie personnelle. Je suis concentré sur mon projet et je n’ai pas envie de mélanger les choses. Je préfère être à 100% sur quelque chose plutôt qu’être à 50% quelque part et 50% ailleurs. C’est mon état d’esprit actuel mais ça veut pas dire que c’est pour toujours !
La dernière line du projet c’est “tu m’as fais comprendre qu’il est temps d’aller autre part”. A qui tu t’adresses ?
Avec cette ligne, je remercie toutes les personnes qui étaient là avant la sortie de ce projet mais dont je me suis séparé ou éloigné. Je les respecte beaucoup pour ce qu’elles m’ont apporté donc je leur dis “merci pour ce moment.” Mais on ne mangera plus à la même table car désormais chacun fait son chemin et c’est mieux comme ça.
Voulez-vous coucher avec moi de MadeInParis est disponible ici :