Après PARHELIA et ETERNAL YOUTH, Yvnnis nous a offert NOVAE, un EP de 10 titres qui l’installe un peu plus parmi les têtes incontournables de la nouvelle vague.
Petit cours d’astrophysique : les supernovas se rapportent à des implosions d’étoiles qui, par leur impressionnante luminosité, signalent la mort de ces dernières. A l’inverse, les novae qualifient des étoiles dont les explosions, visibles par leur brillance soudaine, n’entraînent pas systématiquement leur disparition. C’est à cette deuxième famille qu’appartient YV. Étoile montante qui, avant de s’éteindre, veut briller de tout son éclat.
Et l’explosion a déjà commencé : après deux projets et des apparitions remarquées dans le Grunt #52, ou encore, plus récemment dans les 11 à suivre de Booska-P, le jeune rappeur du Val de Marne s’est imposé comme une des révélations de ce début d’année 2023. Et quoi de mieux pour marquer le coup que la sortie d’un nouvel EP ?
Le 13 janvier dernier, Yvnnis nous offrait ainsi NOVAE, un projet de 24 minutes articulé en 10 morceaux relativement courts (entre 2 minutes et 2min30) mais terriblement efficaces.
Un laboratoire vocal et instrumental
Entre egotrip, amertume et contemplation, NOVAE est un laboratoire aussi bien vocal qu’instrumental : le boom-bap de CBPM et la drum & bass du refrain d’HÉROS rencontrent la trap électronique de IAN WRIGHT et l’autotune de SOLEIL PLUVIEUX. On distingue aussi l’influence digitale propre à Laylow sur le morceau ENCORE, qui placé au milieu du projet, est peut-être le titre où l’artiste exprime le mieux son spleen : “J’ai envie d’voir de beaux paysages, loin d’la capitale / J’regarde le sky, j’me dis que forcément / Au fond encore c’est noir”.
Seul featuring du projet : le suisse Aamo qui, à l’origine de l’excellent SML sorti en novembre dernier, offre un couplet plein de détermination et déverse le flow tranchant dont il a le secret sur le titre +47 (le nombre est le résultat de l’addition de +33, préfixe téléphonique de la France, d’où vient Yvnnis et de +41, celui de la Suisse, d’où est originaire Aamo). Il en profite également pour assurer le refrain, posé avec une nonchalance et une facilité déconcertante.
Mais NOVAE, c’est surtout du kickage à l’état pur avec des rimes à ne plus savoir qu’en faire :
Ces bâtards ils sont bons qu’à téma
WASHINGTON
On va remettre le 9-4 sur le pema
Y a pas d’à peu près steuplaît
Dis pas qu’tu t’sappes bien vu qu’tu mets d’la quemar
Sont bons qu’à kouma, ils ont les cornes d’Akuma
J’arrive du sol comme un uppercut ou un coup bas
Tu sais qu’jsuis chaud comme Akuba
Dans les textes, les références du YV sont précises et variées avec la mention de pontifes du rap et du r&b newyorkais (“J’écoute Biggie, Nas / j’écoute No Diggity” en référence au célèbre titre du groupe Blackstreet), du dirty south (“J’ai envie d’rapper comme la Three 6” en référence au groupe Three 6 Mafia) mais aussi un clin d’oeil Ian Wright (célèbre attaquant d’Arsenal dans les années 1990 et connu pour être un des plus grands buteurs du club) ou encore à Eren (héros de la série de mangas L’Attaque des Titans).
Une aisance lyricale qui permet à Yvnnis de se réclamer parmi les plus talentueux de sa génération :
Igo ton time, j’suis loin d’mon prime, j’suis loin d’mon best level
SUR LE GUN
Il me faut une veste meilleure, toi sur ma guest never (Jamais)
C’est du vrai rap, pas d’la prévention (Nan)
J’ai la prétention (Ouai), d’prétendre à la première place et au classique, après tant de sons
“J’fuck le monde entier, c’est pour ça qu’j’ai cœur en pierre”
Mais un conflit intérieur habite le jeune rappeur : “Mon cerveau c’est une bagarre où personne sépare” (CBPM). Lassé de ses relations, Yvnnis semble détaché de tout et se révèle un goût pour la solitude : “J’remplis mon verre dans une soirée où j’m’amuse même pas / Sentiments s’perdent, j’suis dans mon coin, nan, j’veux pas qu’elle m’parle” (HÉROS)
En quête de sens, Yvnnis ambitionne donc de dédier sa vie à sa musique et surtout d’en vivre : “J’vais pas finir ma vie dans une cravate, poucave mes ler-ga / J’veux qu’ça devienne mon travail” (VLA). Et surtout ne plus avoir à se soucier de l’argent : “J’rappe au mic pour voir l’soleil des Maldives” (WASHINGTON), “Jamais sur mes lauriers, faut qu’j’me repose sur ma kich’” (IAN WRIGHT).
Réussir à tout prix pour susciter le désir et la convoitise de la gente féminine : “Quand elle m’a largué j’étais en vélib / bientôt j’vais la narguer dans mon Céline”, “J’ai des maisons de disques dans mes dm, donc raison de plus pour qu’elle m’dm” (WASHINGTON). Une superficialité dont notre jeune rappeur finit toutefois par se désintéresser. “Elle fait le mannequin parce qu’elle sait qu’on voit qu’elle dans le casting / Des strass et mes stats, ça la fascine mais qui a dit que le pe-ra c’était facile / Elle m’envoie un snap rouge, j’suis même pas sûr que j’vais répondre” (Nx2).
À fleur de peau, pour ça j’perds des pétales tant qu’ça
Nx2
C’est déjà l’bouquet final
J’ai peur de finir, que l’temps s’a(rrète)
J’ai le cœur en hiver, quand j’ai les manos dans l’sable
Dans ce festival d’artifices et de faux-semblants qu’est le rap français, Yvnnis aspire à plus de tranquilité. Quitte à s’écarter du game pour se recentrer sur lui-même et trouver la paix intérieure : “Les étoiles m’ramènent à la raison / Dans même pas 3 mois, j’suis à la maison” (Nx2), “Qu’une seule envie, c’est de rentrer chez oim” (VLA).
Mais le calme se mérite et YV sait qu’il doit encore prouver avant de pouvoir se retirer. Heureusement, loin d’être seul, le rappeur peut compter sur les siens. Et il a de la chance : fort d’une généalogie exceptionnelle, le talent coule dans ses veines : “Jeune prince, ma daronne c’est une boss, mon daron c’est un boss / J’ai mes parents en guise de rois” (VLA).
La mission est donc claire pour le jeune artiste du 94 : faire du rap son nouveau domicile. Et même s’il n’en est pas encore l’heureux propriétaire, à La Pépite, on tenait à le dire : Yvnnis, tu es ici chez toi.
L’EP NOVAE de Yvnnis est disponible sur toutes les plateformes de streaming :
Retrouvez notre dernier Focus sur La Chambre d’écoute, le nouvel EP de Vin’s.