SDM
Crédits: @73shot

SDM, LA FIERTÉ DU TAUDIS

Le roi Midas avait un souhait : que tout ce qu’il touche se transforme en or. SDM n’a pas eu à formuler un tel vœu pour que son premier album, “OCHO“, soit certifié disque d’or 6 mois à peine après sa sortie.

Le rappeur de Clamart l’affirme lui-même : pas de hasard ni de coup de poker. Seuls le travail et la persévérance ont permis à SDM de conquérir la scène rap, le rangeant parmi les artistes incontournables de l’année 2021. Nul doute, il est bel et bien la “fierté du taudis” et continuera d’avancer fièrement accompagné de son “gang à jamais“.

Pour La Pépite, SDM est revenu sur ce premier succès.

VITESSE GRAND V

La Pépite : SDM, comment vas-tu ?

SDM : Impeccable et toi ?

P : Pareil! Merci à toi de nous accorder une seconde interview, 6 mois après la sortie de “OCHO” ! En avril 2021, tu dévoiles “OCHO” et dès le mois d’octobre il est certifié or. Est-ce-que tu te rends compte de l’ascension et de la vitesse fulgurante à laquelle tu évolues dans le paysage rap ?

S: Je m’en rends compte parce que les gens me le font comprendre ou alors grâce à des trucs très précis, comme par exemple quand je tombe sur des anciens clips. C’est incroyable certes, mais parfois j’ai encore du mal à réaliser. 

P: Ton entourage t’aide dans cette tâche?

S: Beaucoup! Souvent c’est des petites remarques pour me rappeler que c’est pas rien tout ce qui est en train de se passer.

P: Tu appartiens à une nouvelle génération de rappeurs et à peine arrivé t’es déjà bien installé sur ta chaise, ou plutôt sur ton escalier si on s’en fie à la cover de “OCHO“. À ton avis, qu’est-ce-qui a autant séduit les gens chez toi, notamment par rapport aux retours que t’as pu avoir?

S: Je pense que si le public a bien accroché avec moi, c’est grâce à ma polyvalence et mon timbre de voix. Le fait que je sois capable de faire un banger rap puis un titre plus mélodieux type “Yakalelo” ; je pense que c’est surtout ça qui a fidélisé les gens. Après seuls eux peuvent répondre ! [Rires]


SDM – Yakalelo

J’essaye de faire en sorte de ne pas trop me faire manquer !

P: L’avis du public rentre en compte quand tu réalises tes projets?

S: Par rapport à ma musique non, pas vraiment. Je suis conscient que beaucoup de gens me suivent et aimeraient des feats avec untel ou untel, mais en réalité je fais de la musique pour moi avant tout, comme depuis le début et ça ne changera pas. Après, là où je prends en compte les retours, c’est surtout sur mes absences. J’essaye de faire en sorte de pas trop leur manquer.

P: Tu ressens une pression particulière par rapport aux attentes du public justement ?

S: J’essaye de m’en affranchir au maximum mais tu ressens forcément une pression. L’essentiel pour moi, c’est de rester dans l’actu.

LA FIERTÉ DU TAUDIS

P: Quel est le premier sentiment qui t’a traversé lorsque t’as appris que “OCHO” avait été certifié or?

S: Beaucoup de fierté.

P: La fierté du taudis ?

S: Voilà ! [Rires]. J’ai rendu fier beaucoup de gens. Quand je l’ai appris, il s’est passé plein de choses dans ma tête. Tu repenses à d’où tu viens, d’où t’es parti, comment t’as commencé, par où t’es passé.

P: En parlant d’introspection, le SDM qui grattait ses premiers textes il se voyait aussi vite en haut de l’affiche?

S: Pas du tout, c’est ça le truc! Et même quand je sors “OCHO” je m’attendais clairement pas à ça. Je sais que des gens me soutiennent et m’envoient beaucoup de force, mais à ce point là, je l’avais pas vu venir. Autant pour certains singles je m’y attendais, mais que l’album entier soit certifié or… C’est énorme en vrai.

J’ai encore des choses à prouver, je sais que ne suis encore qu’à 30% de mon talent.

P: Ce disque d’or pour toi c’est une récompense, une confirmation ou une évidence?

S: Une récompense. C’était pas évident et pour moi j’ai pas encore confirmé.

P: Confirmer ça veut dire quoi à ton sens?

S: Confirmer c’est quand t’as sorti ton truc, l’album est certifié et tu peux te reposer sur ça. Moi je suis pas encore à ce stade là. Je me vois pas non plus comme un rookie parce que l’album est certifié, donc c’est pas rien. Mais j’ai encore des choses à prouver et je sais que je ne suis qu’à 30% de mon talent, voire moins.

P: Pourtant tu commences déjà à collectionner les disques d’or, tu leur as trouvé une belle place au chaud?

S: Ils ont pas tous une place, il faut un mur un peu plus grand parce que je compte pas m’arrêter là !

P: Une pièce carrément ?

S: Voilà, une salle des trophées comme Zizou [Rires].

P: Ton premier disque d’or, tu le dois au titre “Jack Fuego” en featuring avec PLK. Est-ce-que tu vois une évolution particulière dans ta manière d’aborder la discipline musicale depuis ce premier grand succès?

S: J’arrive à voir une différence dans ma manière de travailler surtout. J’ai l’impression d’avoir de plus en plus de facilité à faire un bon refrain et je m’impressionne encore tous les jours sur ça ! Après sur ma manière de rapper, je sais que j’ai une bonne palette technique et que je peux pousser le truc encore plus haut.


SDM – Jack Fuego ft. PLK

P: Comment elles te viennent d’ailleurs ces mélo, à l’écoute des prod’ ou pas forcément?

S: Franchement c’est les deux. Si j’te montre mon dictaphone, tu serais choquée du nombre de toplines que j’ai enregistrées sans instru !

P: C’est l’instru qui s’adapte à toi alors ?

S: C’est ça, je suis un vrai casse-tête pour les beatmakers ! [Rires]. Après je les embête pas avec les toplines stockées dans mon tel, je tiens vraiment à laisser le beatmaker s’exprimer avant toute chose.

P: Quand t’es au studio, comment tu travailles la prod’ concrètement ?

S: Je prends la prod’ de A à Z et je mets en moyenne 2 heures à écrire un bon morceau. J’pourrais peut-être faire plus vite mais je suis pas pressé et pour le moment, ma manière de travailler me convient, j’arrive pas à écrire ailleurs qu’au studio.

DANS LES OREILLES DE SDM

P: Un adjectif revient souvent à ton sujet et tu l’as toi-même employé au début : “polyvalent”, dans le sens où tu touches à tout et t’arrives à jongler aisément entre rap kické et mélo. Au quotidien dans tes oreilles, c’est la même chose? 

S: Oui j’écoute vraiment de tout, sauf du métal. [Rires] Dans ma playlist tu trouveras plus de 3000 musiques. A chaque fois qu’il y a le bluetooth en voiture et que les sons défilent, les gens sont choqués et se demandent comment je fais pour connaître autant de musique! 

P: En parlant de références musicales, est-ce-que dans “Rentrer” quand tu dis “Ici dehors le temps est moche (oui) / Emmenez-moi là-bas, où il fait beau”, c’est une référence à “Emmenez-moi” d’Aznavour?

S: Pas du tout ! [Rires] Mais ça me fait plaisir que t’aies pensé à ça parce que c’est vraiment un artiste qui me touche. En ce moment “Hier encore” m’inspire un son pour mon prochain album, mais on en parlera plus tard… 

P: Depuis que t’es vraiment actif dans le rap, tu en écoutes plus ou moins ?

S: J’écoute largement moins de rap et surtout je suis de plus en plus difficile dans mon jugement. J’suis beaucoup plus branché sur l’actu afro que rap français, alors que je suis un grand fan de rap français!

P: Qui est-ce-qui t’a bercé plus jeune?

S: En rap français c’est Booba parce que c’est un mec du 92, ça rentre dans notre école.

P: Rap US?

S: Pas du tout, les américains j’peux pas me les voir ! [Rires]

Le rap français a sa propre identité et ses propres codes, ça serait bien qu’on les garde et qu’on ne s’éparpille pas.

P: T’as l’impression que le rap français est pollué par les sonorités américaines?

S: Oui, surtout en ce moment ! En vrai ça fait peut-être 5, 6 ans. Pour moi, on a rien à envier au rap américain. Le rap français a sa propre identité, ses codes et ça serait bien qu’on les garde et qu’on ne s’éparpille pas. Après il y a des influences extérieures que j’aime bien. La drill ça me fait kiffer par exemple !

P: Tu penses que c’est une mode passagère ou un nouveau chapitre à l’échelle du rap?

S: Je pense que la drill va faire son temps, c’est des prod très sombres. Le “vrai” rap revient à la mode et la drill reste dans ces codes donc ça fait kiffer.

LE SUCCÈS INESPÉRÉ

P: Est-ce-que la réception de OCHO a été à la hauteur de tes attentes et espérances?

S: Même au-dessus de mes attentes et espérances. Que ce soit en termes de chiffres ou de reconnaissance. Je vois de plus en plus de personnes qui me respectent et qui m’envoient de la force. Ça me fait vraiment plaisir d’en arriver là et j’espère pousser le truc au maximum. En tout cas, avec cet album j’ai le sentiment d’avoir prouvé que j’étais un artiste sur qui on pouvait compter. 

P: 2021 a été très chargée pour toi. Comment est-ce-que tu abordes 2022, tu as des objectifs particuliers?

S: L’objectif serait de sortir un deuxième album en 2022 et je t’en dis pas plus [Rires]

#TRÈSBIENENTOURÉ

Sans mon entourage, j’aurais arrêté le rap en 2016 donc aujourd’hui, c’est une victoire collective.

P: Dans tes sons tu mentionnes sans cesse ton entourage et on sent que c’est quelque chose de précieux pour toi, que tu leur en est vraiment reconnaissant. Quel rôle précis ton entourage a-t-il joué au début de ta carrière?

S: Sans eux, personne ne m’aurait jamais connu et j’aurais arrêté en 2016. Carrément ils m’ont cassé les c**illes pour que je continue ! On voulait me payer le studio, les clips etc. Ils m’ont vraiment beaucoup aidé donc c’est une victoire collective. C’est aussi grâce à eux que je réalise tout ce qui est en train de se passer. C’est pour ça que dès que j’ai l’occasion de les remercier, je le fais.


SDM – #Malentouré

P: Donc t’es très #bienentouré finalement ?

S: Exactement. L’idée de #MalEntouré m’est venue sur le titre “Bonne journée qu’on avait fait avec Kopp [NDLR : ULTRA, Booba, 2021]. Dans le refrain il dit « Je n’ai qu’un seul gang je suis très mal entouré » et dans mon couplet je dis « j’suis très mal entouré (woo), Moha et Vegas Touré ». C’est mes gars sûrs, du coup j’ai gardé le hashtag et j’en ai fait un délire entier !

P : En parlant de délire et gimmick, tu peux m’expliquer d’où viennent tes « Arriba, arriba » ?  

S : [Rires] Ça vient de Speedy Gonzales, le cartoon ! Ça me faisait trop marrer quand j’étais petit donc j’ai gardé la gimmick, j’saurais même pas vraiment t’expliquer comment c’est venu. Pour comprendre réellement, il faudrait me voir quand je fais mes ambiances au studio [Rires]. C’est super marrant je sors tout ce qui me passe par la tête au moment où j’peux placer un truc.

C’est comme dans « Van Damme » quand j’ai placé « Fodes karaï », au studio derrière ils étaient choqués parce que c’est un truc qu’on a l’habitude de dire entre nous quand il se passe une dinguerie.  [Rires] Le « arriba » c’était vraiment dans le même délire !


SDM – Van Damme

CLAMART OU “LE GANG À JAMAIS”

P : Dans ton entourage il y a beaucoup de personnes originaires du 92 et plus particulièrement de Clamart, dont tu es originaire. Actuellement, on entend beaucoup parler de cette ville comme d’un réel vivier à talents [NDLR : 1pliké140, Lazzio…]. Un nouveau centre de formation serait-il en train de prendre forme sous nos yeux ?

S : Carrément et fallait bien que ça arrive au bout d’un moment ! Il y a tellement de talents qui méritent du succès dans cette ville et le grand public en connaît encore très peu. C’est une dinguerie, c’est même plus qu’un centre de formation ! On reste soudés et notre priorité c’est de faire avancer la ville. Si on doit faire un truc en commun, ça sera de bon cœur. La ville avant tout !

P : Du coup ça te tient à cœur de donner de la force aux nouvelles pépites de Clamart?

S : De fou, j’essaye de le faire au max. S’il faut venir sur un clip, je viens ! Il ne s’agit pas juste de partager sur les réseaux tu vois.

À Clamart on est soudés et notre priorité c’est de faire avancer la ville.

P : Des pépites en particulier à nous faire écouter ou découvrir ?

S : KDeux c’est très fort. Je le dis depuis des années mais pour moi c’est vraiment le meilleur rappeur de notre ville. Il mérite énormément et à force de travail et de persévérance, il finira par se faire entendre. Il y a HLD aussi, très bon drilleur. C’est un petit de la ville qui a énormément de choses à dire. VITOO également, il a une bonne plume et un sacré flow ! Après Lazzio c’est vraiment fort, La Moula très costaud, Likma… Franchement il y en a un paquet et j’espère de tout cœur que ça va le faire.

P : Tu penses que c’est important d’avoir une « tête de quartier » pour mettre la lumière sur d’autres pépites ?

S : En vrai on va pas se mentir, le fait d’avoir de la visibilité ça permet de partager tous les frérots et petit à petit les gens réalisent qu’il y a beaucoup de talents ici !

P : Mises bout à bout, les cover « OCHO » et « OCHO DELUXE » ont l’air de raconter une histoire, comme le début d’une planche de BD. Est-ce-qu’il s’agit d’une seule et même histoire?

S : Pour moi l’histoire reste la même et c’est d’ailleurs pour ça que j’ai choisi de l’appeler « OCHO DELUXE ». Je trouve que c’est une très bonne suite de OCHO, on y trouve plus ou moins les mêmes couleurs.

SDM
SDM

P : Tes sons coup de cœur, c’est lesquels ?

S : Sur OCHO c’est « Love », j’ai vraiment aimé la manière dont j’ai posé sur le refrain. Je kiffe trop ce son. Et sur OCHO DELUXE, mon coup de cœur c’est « Radio ».

RÉUSSITE, MODE D’EMPLOI

P : Parmi les thèmes qui illuminent ta musique, il y a la soif de réussite et l’ambition. On sent que t’aimes t’entourer de personnes qui ont la niaque et la dalle comme toi. Qu’est-ce-que tu pourrais conseiller à un·e jeune qui se sentirait un peu perdu·e et en manque de motivation ?

S : Le conseil que je pourrais donner c’est vraiment de continuer à se donner à fond parce que le travail et la persévérance paieront forcément. Il faut pas avoir peur de se casser la gueule pour mieux se relever. Il faut croire en soi, avoir confiance et foncer tête baissée.

P : Faut agir sans penser aux conséquences ?

S : Pour moi oui.

P : T’as l’impression d’être beaucoup tombé avant de réussir à te relever convenablement ?

S : J’en ai fait des kilomètres. Ça m’a paru tellement long parce que ça fait depuis longtemps que j’essaie en vérité. Mais ça, peu de gens le savent et beaucoup me voient comme une sorte de « miraculé ». Sauf que c’est faux, j’ai commencé en 2014 quand même ! Après, dès que je m’en suis vraiment donné les moyens et que je m’y suis mis à fond, ça a fonctionné et c’est allé beaucoup plus vite. 


SDM – La vie de rêve

P: Ton père était producteur de musique et proche de Fally Ipupa, avec qui tu as partagé le titre “Droit de Véto” sur OCHO. Tu penses qu’une passion comme la musique c’est héréditaire ?

S : Je pense que dans mon cas c’est ce qui m’est arrivé, inconsciemment. Je suis le seul de mes frères et sœurs à faire de la musique et pourtant on a tous eu le même père. Après, on aime vraiment tous et toutes vraiment la musique. Un rien peut nous faire chanter ou danser et c’est vite la joie [Rires].

“BIENVENUE DANS LE PAYS OÙ C’EST DUR D’ÊTRE UN NOIR”

P : Tu ne fais pas du rap conscient au sens « strict » du terme mais on sent quand même que beaucoup d’injustices te prennent aux tripes. Dans l’intro de « OCHO » tu dis « bienvenue dans le pays où c’est dur d’être un noir ». Tu t’en es rendu compte à quel âge de ça ?

S : Franchement tu le remarques direct, dès la primaire ! En vrai, plein de trucs te font bouler et très vite tu te dis « ah ok donc c’est parce que je suis noir que c’est comme ça et pas autrement»

Les Victoires de la Musique sont fermées à toute une catégorie de personnes et ça c’est pas normal, c’est nous qui vendons le plus !

P : Ça t’a donné envie de faire du rap pour exprimer une colère ou une indignation ?

S : Non pas vraiment, pour moi c’est plus une source de motivation que d’indignation. Après malheureusement, il y a des choses qui ne changent pas et c’est vraiment dommage. « Les Victoires de la Musique » c’est le parfait exemple. Elles sont fermées à toute une catégorie de personnes et ça c’est pas normal, c’est nous qui vendons le plus ! Pourtant, on nous néglige, on n’est même pas contactés. C’est incompréhensible, on ne sait même pas comment se passent les votes. C’est eux qui choisissent et c’est tout.

Si tu laissais vraiment le peuple voter, il n’y aurait pas photo. Le rap français c’est la musique la plus écoutée actuellement.

P : Tu penses qu’on est sur la voie d’un changement ou bien qu’au contraire il faut créer d’autres systèmes de récompense à côté ?

S : Il faut créer d’autres choses, c’est pas du tout en voie de changement. Je dis pas que je méritais plus ma place qu’un autre, vraiment pas. Mais globalement, et surtout pour 2021, un tas d’autres personnes ont fait des meilleures années et n’ont pas été ne serait-ce que nommés dans la catégorie « Révélations ». Si tu laissais vraiment le peuple voter, le rap français c’est la musique la plus écoutée actuellement.  

Après il faut pas s’apitoyer, ça sert à rien de se plaindre. Tôt ou tard on aura nos trucs, on les invitera et ils verront à quoi ressemble une vraie cérémonie ! [Rires]

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