Le premier album de Bekar, Plus fort que l‘orage, est sorti ce vendredi 31 mars. Et les retours sont unanimes : ce nouveau projet confirme le talent du rappeur de Roubaix, mais prouve également la force de l’artiste pour l’exploration musicale. Ce nouvel opus, s’il contient toujours l’ADN très reconnaissable de Bekar, nous permet de découvrir ses inspirations rock et électro. Les textes, toujours aussi intimes, sont posés sur des prods qui frôlent parfois inspirées par la new wave, sans que l’auteur ne revendique appartenir à celle-ci : inspiré par des artistes aux influences diverses, Bekar a réalisé plusieurs feat. sur ce projet, avec des rappeurs aussi variés que PLK, Myth Syzer, Sto ou encore Zinée, avec laquelle il partage un titre de presque 7 minutes. C’est l’heure du renouveau pour Bekar, et on ne pouvait pas passer à côté.
Cet album n’est pas seulement ton premier, il représente aussi un virage dans ton style.
Oui, c’est vrai. Pour cet album, j’ai travaillé encore plus que sur mes précédents projets. J’ai été encore plus pointilleux, je me suis entouré de plus d’artistes, de conseillers, de beatmakers. Ce projet marque une sorte de renouveau, même si on retrouve mon style original dans plusieurs sons.
Pour toi, quelles sont les points sur lesquels tu t’es le plus amélioré ?
Je ne saurais pas trop dire, mais je pense avoir évolué sur mes textes et les sujets que j’aborde. Je trouve aussi que le choix des prods de l’album est plus cohérent, et que le projet est vraiment pensé en faisant attention à cette cohérence de bout en bout.
Qu’est-ce que tu ressens quand tu réécoutes tes anciens sons ?
Je préfère ne pas trop réécouter mes anciens projets. Une fois qu’ils sont sortis, je les ai déjà trop poncés pendant la production. Le moment où je kiffe vraiment mes premiers projets, c’est quand je suis en live et que je les chante sur scène. Voir le public les reprendre et chanter avec moi, ça me permet de les apprécier à nouveau.
Pour cette sortie d’album, tu as choisi de faire des concerts sauvages. Pourquoi ce choix ?
Pour le coup, c’est vraiment un choix perso. J’adore l’idée d’aller vers les gens, et aussi de faire un concert gratuit qui permet à tout le monde de venir. Le côté pirate, surprise, c’est un vrai plaisir. L’année dernière, je n’ai pas trop fait de concert, à part la tournée avec PLK. Revenir sur scène avec les auditeurs de la première heure, c’est vraiment cool, en plus d’être efficace pour la promo.
C’est vrai que tu sembles très proche de tes fans.
Sans eux, je ne serais rien. Donc oui, pour moi c’est hyper important : c’est grâce au public que je peux monter sur scène, que j’en suis là. J’ai envie de leur rendre ce qu’ils m’ont donné, parce que je me sens très chanceux.
Dans un de tes sons, En Principe, tu disais « j’partirai pas d’la zik tant qu’j’aurai pas produit un classique, ça c’est un principe ». Tu as l’impression d’y être ?
Pas vraiment, j’étais pas vraiment sérieux quand je disais ça, c’était plus pour faire de l’egotrip. Je pense pas encore avoir fait de classique, peut-être que ça arrivera ! En tout cas, je vais pas arrêter la musique pour l’instant.
Tu fais de plus en plus de faire parler de toi. C’est quoi ton rapport au succès ?
C’est un mot qui peut avoir beaucoup de significations. Je n’ai pas l’impression qu’on peut déjà parler de succès pour ma carrière, je choisirais plutôt le terme engouement. Ça commence à faire un peu de bruit, mais je suis clairement pas encore à mon max, j’espère aller encore plus loin.
En écoutant ta discographie, on peut remarquer une récurrence du thème de la couleur. On dirait que le visuel prend beaucoup de place dans ton processus de création.
Maintenant que tu le dis, c’est vrai. Quand j’écris mes morceaux, j’ai souvent des couleurs, des images en tête. Je visualise mes émotions en couleurs. Je suppose que ça me vient de ma mère, qui aime beaucoup peindre.
D’ailleurs, tu as aussi une plume très aiguisée. Est-ce que tu as des influences littéraires ?
Je n’étais pas très attentif à l’école, mais je me débrouillais plutôt bien dans les matières littéraires. Je ne saurais pas vraiment dire d’où ça vient, je ne suis pas un gros lecteur. Ma mère lit beaucoup, mais je ne viens pas non plus d’une famille très littéraire. Finalement, c’est plutôt le fait d’écouter du rap qui m’a donné le goût de l’écriture.
C’est vrai que tu as été très influencé par des rappeurs comme Nekfeu, Damso, Lomepal… Pourquoi tu penses que c’est justement ce type de rap qui t’a le plus touché ?
Carrément. En vrai, c’est la période de 2015, avec beaucoup de grosses sorties de ce genre, qui m’a vraiment donné envie de rapper. Je m’en rappelle super bien, je devais avoir 17 ans, j’étais encore dans les cours, un peu insouciant. À cet âge, tu commences à te poser des questions, t’es un peu perdu. Le rap m’a apporté des réponses, il m’a fait cogiter. J’ai été touché par la sensibilité et l’honnêteté des textes, comme ceux de Lomepal. Ça me parlait énormément, il y a un truc fort dans le fait de découvrir que d’autres personnes ressentent les mêmes émotions que toi et les assument. C’est aussi l’âge où tu te construis et tes goûts s’affirment, je pense que c’est pour ça que mes projets gardent cette inspiration.
Justement, tu montres cette sensibilité dans tes chansons. À ton avis, d’où vient cette sensibilité, cette mélancolie ?
Je ne saurais pas vraiment répondre. Je n’ai pas vécu une enfance tragique, j’ai vécu des moments durs, mais comme tout le monde. Mon grand-père, qui m’encourageait beaucoup dans ma carrière de rappeur, est parti assez tôt et ça a été très difficile pour moi, parce que c’était un vrai soutien pour moi. Mais je suis un gars normal, avec des hauts et des bas. C’est vrai aussi que je suis très cérébral, je réfléchis beaucoup, je me pose pas mal de questions la nuit.
Tu assumes d’ailleurs ton anxiété, dont tu parles parfois dans tes titres. Comment celle-ci influence-t-elle ton travail ?
L’anxiété, parfois, ça peut te bouffer. Pendant certaines périodes, j’étais ralenti par mon stress. J’étais trop anxieux pour travailler, complètement bloqué. Mais à d’autres moment, c’est un gros boost pour moi : je vais me buter à la tâche, et je deviens super minutieux. C’est aussi ce qui m’aide à être exigeant dans ce que je fais. C’est une question de gestion de l’anxiété : ça ne partira sans doute jamais, c’est le combat d’une vie. J’ai toujours été de nature anxieuse, surtout en hiver. Mais j’apprend à canaliser cet aspect de moi.
D’où te vient ce besoin de te raconter ?
Ça dépend. À la base, j’écrivais vraiment juste pour moi. Je suis quelqu’un qui a tendance à tout garder en lui, et j’avais besoin de parler. Mais j’ai aussi envie de raconter quelque chose d’universel, pour que mes auditeurs puissent se reconnaître. J’écris aussi pour eux, pour qu’on se sente moins seuls. Être authentique, c’est hyper important pour moi. Si j’étais là que pour les rimes, l’egotrip, ça me soulerait.
Ce qui peut paraître étonnant, c’est que tu es très pudique et discret, mais tu te mets vraiment à nu dans tes chansons.
C’est vrai, j’ai un rapport un peu bizarre l’image. Si je pouvais, je montrerais pas mon visage, j’ai juste envie qu’on écoute ma musique. Quand j’ai commencé à écrire, c’était dans mon coin, et c’était vraiment un moyen de libérer ce que j’avais en moi. J’avais aucun filtre devant ma feuille. Avec le temps, je suis plus à l’aise avec le fait de m’exposer, mais je crois pas être fait pour être connu, c’est pas dans ma nature. Quand, après un concert, les gens me disent que je les ai aidés grâce à mes sons, c’est vraiment ce qui me rend le plus heureux.
Pour finir, tu t’inspires de beaucoup de styles musicaux. Tu peux nous parler de tes inspirations rock et électro ?
Alors pour l’électro je dirais les Daft Punk. C’est vraiment un groupe que j’ai toujours kiffé et qu’on écoute beaucoup chez moi. Pour le rock, je sais pas trop, je dirais les Pink Floyd ou encore les Beatles. En ce moment j’écoute aussi de plus en plus de country (rires). Ça me fait voyager.
Dernière question : ta pépite rap du moment ?
H Jeune Crack. Il est très fort !